Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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La grotte Vallier |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Jeudi, 08 Juillet 2010 17:46 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Lorsque les glaciers sont installés sur des roches calcaires, leurs eaux de fonte, froides et acides, entraînent fréquemment la formation de lapiaz dans les zones peu inclinées, tels les fonds de cirque. Le rebord nord du Vercors (gouffre Berger), l'Oucane de Chabrières (vallée de la Durance), le Désert de Platé en constituent de bons exemples. Parfois aussi, les eaux latérales glaciaires peuvent être déviées vers une vallée voisine à travers un réseau souterrain qui s'ouvre sur le flanc de la vallée. C'est le cas de la grotte des Sarrasins, au dessus de Grenoble, de la grotte de Niaux dans les Pyrénées ariégeoises ou encore, à une moindre échelle, de la grotte Barnier au-dessus de Corrençon en Vercors drainant les eaux d'un des glaciers intérieurs au Vercors. Mais le cas le plus intéressant pour notre propos est celui de la grotte Vallier, au-dessus de Grenoble (Isère).
Formation de la grotte VallierD'après J.J.Delannoy (AFEQ) la formation de cette grotte serait antérieure au pléistocène (1,8 Ma, fin de la glaciation du Donau) et se serait déroulé de la manière suivante :
C'est au cours de cette phase que s'est creusé le puits photographié ci-dessus. Nous appellerons Phase 1 cette période. Datation des dépôts de la Grotte VallierLa datation des dépôts résulte de la publication suivante : "AUDRA Ph & ROCHETTE P. 1993 Premières traces de glaciations du Pléistocène inférieur dans le massif des Alpes. Datation par paléomagnétisme de remplissages à la grotte Vallier (Vercors, Isère, France) C.R.Acad. Sci. Paris, 317, Série II , 1403 - 1409". Cette datation a été effectuée par mesures paléomagnétiques portant sur le plancher stalagmitique de la grotte. La méthode de datation des roches par étude de leur magnétisme permet, en effet, de situer l'époque de leur formation par rapport aux inversions du magnétisme terrestre.
Dans le cas de la Grotte Vallier, on a pu déterminer seulement - une détermination exacte étant impossible - que la formation du plancher stalagmitique était antérieure à l'inversion Matuyama / Brunhes, datée de - 780 000 ans. Cette formation a eu lieu pendant une période où la grotte ne voyait pas passer d'eaux glaciaires. Ultérieurement, la grotte n'a jamais été empruntée par les eaux, sinon ces concrétions auraient été détruites. Ce sera notre Phase 2.
Nous pensons qu'après la formation du plancher stalagmitique, lors de la glaciation suivante, le glacier, au cours de sa montée en puissance, a atteint le niveau de la grotte. Sa moraine latérale (dont la granulométrie s'étendait des argiles jusqu'aux gros blocs, ce qui en faisait un matériau étanche) a envahi l'entrée de la grotte et l'a obturée (lodgment till). Les eaux glaciaires, elles, circulant sous la surface glaciaire n'ont pas pénétré dans la grotte, même, par la suite, lorsque la surface du glacier a continué son ascension. C'est au cours de cette Phase 3 que se sont déposés les galets cristallins. Puis ce glacier a continué à s'élever, jusqu'à son maximum, aprés quoi il a reflué, laissant en place le dépôt d'obturation. Au cours d'une quatrième étape (Phase 4), celui-ci a été déblayé par l'érosion. Aucune remontée des glaciers à une altitude égale ou supérieure à celle de l'entrée de la grotte (1520 m) n'a suivi, sans quoi les dépôts stalagmitiques auraient été détruits. Effectivement, on sait que les glaciers rissien et würmien n'ont jamais atteint cette altitude. Quelle pouvait être la nature de cette érosion ? Pourrait-il s'agir d'une érosion anthropique, vu l'intérêt que pouvaient présenter jadis ces galets de roches cristallines, très rares dans le Vercors ? Sans pouvoir être le moins du monde affirmatifs, bien entendu, nous signalerons la présence de gisements préhistoriques dans la plaine de Villard-de-Lans, signalés par G. Monjuvent et J.L. de Beaulieu (1985), qui rapportent cette présence à un épisode antérieur au Riss. Quoi qu'il en soit, selon notre interprétation, les galets cristallins qui subsistent à l'heure actuelle sont donc un reliquat de ceux déposés au cours de la Phase 3. En résumé
Pour pouvoir dater ces différentes phases et les rattacher à la succession classique des glaciations quaternaires, nous utiliserons la notion de stades isotopiques (Shackleton et Opdike, 1973). Rappelons que l'axe horizontal bleu, en haut de la figure, indique les âges en milliers d'années à partir de la période actuelle. L'ensemble couvre une période de temps de l'ordre de 900 milliers d'années.
Transposons ceci dans le système des glaciations alpines plus couramment utilisé. Compte tenu de ce qui précède et de la date (350 000 ans) couramment admise pour la fin du Mindel, nous estimons que, selon toute vraisemblance :
Le niveau maximum atteint par le glacier correspond donc au niveau maximum atteint par le Mindel à son pléniglaciaire. Or, on sait que pour toutes les glaciations, la baisse des températures a eu lieu progressivement, alors que le retour à une période plus tempérée s'est déroulé beaucoup plus rapidement. Ceci se voit bien sur la courbe des stades isotopiques ci-dessus. Le pléniglaciaire du Mindel devait donc se situer aux alentours de 350 000 ans selon le système des glaciations alpines ou 300 000 ans selon la notation des stades isotopiques. Nous utiliserons donc dorénavant la notation Mindel, à la place de celle de Glaciation Maximum La Molière que nous avons adoptée jusqu'à présent dans d'autres pages de ce site. Que peut-on penser de notre hypothèse ?La Grotte Vallier n'est pas le seul réseau souterrain où l'on peut observer un tel cas d'obturation. En effet, A. Dini, dans sa communication qui figure en Bibliographie, écrit : "Le dépôt discontinu de moraine de plaquage (lodgment till) qui imperméabilise les versants peut boucher les entrées des grottes, des résurgences et des pertes en modifiant sensiblement la circulation des eaux dans l'endokarst. La présence de galets encastrés entre les stalactites de la voûte (Grotte Zocca d'As, Grotte de l'Alpe Madrona, Grotte Tacchi) indique que les galeries ont été complètement remplies pour être ensuite vidées durant les glaciations sans que les formes préexistantes, y compris le concrétionnement, soient modifiées." Quelques précisions complémentairesCompte tenu de l'âge de la glaciation mindelienne, l'hypothèse de mouvements orogéniques n'est pas à exclure. Voir à ce sujet la page sur l'effet des mouvements orogéniques et du rebond isostasique. Enfin, à titre d'information complémentaire, voici le tracé des glaciers würmiens au dessus de la cuvette grenobloise. Lors de la glaciation mindelienne évoquée ci-dessus, la surface des glaciers se situait environ 300 m au dessus de la surface würmienne, différence à peine visible à l'échelle de la carte ci-dessous. Toutefois les glaciers repérés 4, 5, 6 et 7 n'existaient alors pas et étaient remplacés par le glacier qui occupait le bassin du Drac et qui, à cette époque, rejoignait la cuvette grenobloise. On peut penser que le cheminement des eaux de fonte dans cette zone lors du Mindel différait relativement peu de celui représenté sur la carte pour le Würm. Cependant, il nous semble probable que, le lac du Trièves n'existant pas, les écoulements 2 rejoignaient la base des falaises du Vercors au sud de la grotte Vallier, ce qui permettait à la moraine rive gauche de la Romanche d'y déposer ses galets cristallins.
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Mise à jour le Mercredi, 09 Août 2023 15:17 |