Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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Les modes de l'érosion glaciaire |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||||||||
Mercredi, 03 Mars 2010 21:43 | |||||||||||||||||
L'érosion par la glaceUn glacier dispose, pour imprimer sa marque dans les paysages, de plusieurs moyens d'action. En premier lieu, la glace qui le compose peut agir :
Dans ces effets d'abrasion et de polissage, ce sont, plus que la glace elle-même, les débris rocheux qu'elle renferme qui constituent l'abrasif, à la manière des grains de corindon d'une meule. Mais il ne faut pas oublier que la glace, au contraire du liant d'une meule, est malléable sous pression et que toute force exercée sur un élément rocheux inclus dans la glace a tendance à le faire pénétrer dans celle-ci si la pression dépasse 2 bars. Seuls, donc, les blocs de dimensions importantes seront susceptibles d'exercer un effort suffisant pour attaquer la roche en place.
À ces aiguilles de Chamonix, proches des Aiguilles du Diable que nous venons d'évoquer, sculptées par l'effet ventouse associé à l'action des cycles gel / dégel (mode d'érosion à classer également dans les actions périglaciaires), on comparera ce magnifique exemple d'érosion par desquamation en grandes écailles à proximité du col du Grimsel (Suisse). Ces deux paysages sont pourtant taillés dans le même matériau, du granite.
Mais l'action des glaciers ne peut être réduite à celle de la glace elle-même. En effet, en dessous d'une certaine altitude - ce point sera précisé plus loin - apparaissent des « eaux glaciaires » qui jouent pleinement leur rôle dans l'érosion glaciaire. L'érosion par les eaux glaciairesTout d'abord, qu'appelle-t-on eaux glaciaires ? Elles sont constituées par l'ensemble des flux suivants :
Le pouvoir érosif de ces eaux glaciaires est très important. Elles agissent par :
L'efficacité de ces deux modes d'érosion croît très rapidement avec la vitesse. On imagine facilement l'effet destructeur de blocs projetés contre une paroi à 50 mètres par seconde, soit 180 kilomètres par heure !
Ces eaux froides sont acides (du fait du dioxyde de carbone dissous) et agressives vis-à -vis des roches calcaires mais également des roches cristallines. S'écoulant sur les roches calcaires, elles donnent souvent naissance à des lapiaz dans les zones peu inclinées, tels les fonds de cirque. Le rebord nord du Vercors (gouffre Berger), l'Oucane de Chabrières (vallée de la Durance), le Désert de Platé en constituent de bons exemples.
Les effets de ces quatre modes d'érosion sont encore amplifiés par le fait qu'ils travaillent en synergie. Ces effets érosifs sont bien connus des turbiniers et les eaux glaciaires ne peuvent être économiquement utilisées qu'après décantation dans un lac. Les eaux glaciaires nous paraissent jouer un rôle important dans l'érosion ; nous avons consacré une page spéciale à la circulation de ces eaux à l'intérieur du glacier. Le pouvoir érosif des eaux glaciaires est encore amplifié lorsqu'elles stationnent dans un lac marginal au glacier et que celui-ci est sujet à des débâcles On consultera à ce sujet la page sur les débâcles de lacs glaciaires, du glacier Hubbard à celui de la Bonne. Le tapis roulant du glacierUn glacier constitue également un moyen de transport pour les débris qu'il a arrachés aux parois ou dont l'action du gel sur les parois qui le dominent l'a recouvert. À la différence d'une rivière, qui ne peut transporter de gros éléments que lors de ses crues, un glacier, lui, évacue en permanence la totalité des éléments qu'il reçoit, quelle que soit leur taille et sans les trier, caractéristique qui donne un faciès particulier aux dépôts glaciaires, nous le verrons plus loin. On pense actuellement qu'un glacier ne peut, à lui seul, donner naissance à une vallée, mais seulement approfondir, élargir, calibrer une vallée fluviale préexistante. Recouvrant une zone peu inclinée dépourvue de talwegs, il aura même un effet protecteur sur le relief. Le creusement des vallées glaciaires est étudié en détail à la page sur la formation des vallées en auge.
L'érosion due à l'action conjointe de la gélifraction et du transport par un glacierLorsqu'un glacier circule contre un relief, un sommet par exemple ou encore un chaînon de sommets, la gélifraction – un des modes d''érosion périglaciaire - s'attaque aux parties émergées, alors que celles situées en-dessous de la surface sont protégées par la glace des variations brutales de température. La glace exerce ainsi un effet protecteur, son action se résumant à des effets d'abrasion et de polissage de la roche, d'importance minime dans la formation du relief. Si, au cours de certaines phases d'une glaciation - des stades de repli - le niveau du glacier reste sensiblement constant pendant une durée suffisante, les versants d'un sommet dépassant de la surface glaciaire sont soumis à la gélifraction, les alternances gel/dégel qui provoquent leur érosion. L'effet de cette érosion peut déboucher sur la formation d'épaulements. Dans le cas d'un chaînon, le même effet, s'exerçant sur toute la longueur de celui-ci, entraîne la formation d'un plan d'épaulement. Cette « érosion conjointe par gélifraction et transport par un glacier » s'excerce, sur les parois dominant un glacier, pendant chacune des périodes suffisamment longues de stabilité du niveau glaciaire, donc en particulier lors du pléniglaciaire. Ceci explique que les épaulements les plus hauts se soient formés, sur le versant d'un relief de grandes dimensions, à l'altitude atteinte par le glacier lors du pléniglaciaire. Dans le cas où le relief dépassant de la surface glaciaire était peu important, il pourra être complètement raboté par la glace. Nous avons appelé sommets arasés au pléniglaciaire ou encore relief jardin ce type de relief dont nous rencontrerons de nombreux exemples au fil de ces pages. Il est connu que « l'altitude du sommet d'un épaulement est inférieure de quelques dizaines de mètres à celle de la surface du glacier qui lui a donné naissance ». Nous avons inversé cette remarque pour obtenir l'altitude de la surface glaciaire à partir de celle du sommet d'un épaulement et nous avons, pour pouvoir tracer des courbes, adopté, pour quelques dizaines de métres, la valeur de 25 mètres. Cette remarque nous a permis de créer la page la règle des épaulements. Ces divers modes d'érosion concourent à l'obtention d'un relief original, le modelé glaciaire.
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Mise à jour le Mercredi, 09 Août 2023 15:29 |