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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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La formation des epaulements PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Vendredi, 11 Février 2011 13:41

Version du 17 décembre 2017

Qu'est-ce qu'un épaulement ?

Rappelons brièvement ce que sont les épaulements, une des formes qui caractérisent le mieux les vallées glaciaires :

un épaulement est une portion sensiblement horizontale ou peu inclinée du contrefort d'un sommet latéral d'une vallée glaciaire et généralement perpendiculaire à celle-ci.

Voici, face à face, deux épaulements situés dans la vallée de la Malsanne, affluent du Drac (Isère).

Epaulements dans la vallée de la Malsanne

Image sensible au passage de la souris

Les épaulements peuvent être mis en évidence par un examen in situ des paysages. Mais on peut également travailler sur les cartes. Rappelons comment il est possible d'identifier un épaulement sur une carte où figurent les courbes de niveau.

Il existe deux types d'épaulements de formes légèrement différentes : les épaulements simples et les épaulements à pommeau.

Voici un exemple d'épaulement simple :

Exemple d'un épaulement simple

Deux autres épaulements simples superposés dans la vallée de l'Eau d'Olle (Isère)

Deux épaulements simples superposés
De son sommet à son rebord d'auge, chaque épaulement simple est horizontal ou légèrement descendant.
 

Voici maintenant un épaulement à pommeau :

Exemple d'un épaulement à pommeau

L' épaulement de la Croix de la Plaigny, dans la vallée du Drac (Isère)

Exemple d'un épaulement à pommeau

Dans ce type, l'épaulement, également horizontal ou légèrement descendant, se termine, peu avant le rebord d'auge, par une remontée à un petit sommet que nous avons baptisé « pommeau » par analogie avec la partie correspondante d'une selle targuie.

Voyons maintenant de quelle manière ont pu se former ces formes importantes de relief que représentent les épaulements.

L'érosion par gélifraction

La gélifraction (ou cryoclastie) est un type d'érosion périglaciaire bien connu ; elle s'attaque à toutes les parties du relief situées au-dessus d'une surface glaciaire, sur tous les versants, en particulier sur les contreforts que ceux-ci comportent et, d'une manière générale, partout où règne le gel hivernal, voire nocturne, ainsi que le prouve les récents éboulements du Dru en 2011 et, surtout, en 2005.

Précisons que la gélifraction ne nécessite pas la présence d'eau. Les phénomènes de dilatation différentielle entre des divers points d'une roche peuvent suffire à briser la roche la plus dure, même en l'absence d'eau, simplement par suite des différences de température entre les divers points d'une roche. Mais il faut convenir que ce phénomène s'exerce d'une manière beaucoup plus lente que l'action des eaux glaciaires, qui dégagent une énergie beaucoup plus élevée.

En effet, l'énergie développée par un fluide en circulation est proportionnelle au carré de sa vitesse, donc beaucoup plus grande dans le cas d'un écoulement d'eau turbulent que dans celui d'un lent écoulement de glace. De plus, les eaux glaciaires latérales sont chargées de matériaux solides qui en accroissent encore le pouvoir d'érosion.

Ainsi, pour pouvoir affecter sérieusement le relief, il faut que la gélifraction ait pu, à défaut d'être intense, s'exercer pendant une durée suffisamment longue. Or, ce n'est qu'au cours des pléniglaciaires et au début des cataglaciaires que le niveau des glaciers a stationné assez longtemps à une altitude à peu près constante, ainsi qu'on peut le déduire des graphiques de températures au cours des 500 000 dernières années.

Lorsqu'un glacier circule contre un relief, la gélifraction, un vrai "gel à pierre fendre" comme on disait jadis, s'exerce sur les parties émergées cependant que celles situées sous la surface glaciaire sont protégées par la glace des variations brutales de température. La glace exerce ici un effet protecteur, son action d'érosion se résumant à des effets d'abrasion et de polissage de la roche, d'importance minime dans la formation de reliefs de grandes dimensions.

L'érosion des contreforts et la formation des épaulements

Cette érosion par gélifraction se produisait en permanence tout au long de la glaciation. Elle était quasi quotidienne et uniforme (à la compétence des roches près), par suite des dilatations engendrées par les différences de température entre le jour et la nuit ou entre l'été et l'hiver. Ainsi se produisait une lente mais constante désagrégation des versants des vallées. Elle rabotait en quelque sorte le relief, à coups de nombreuses ouvertures de fissures, suivies d'éboulements.

Son action sur les contreforts, en saillie sur les versants des vallées, est particulièrement importante, peut-être du fait de leur plus grande exposition au gel. Rappelons tout d'abord qu'un contrefort est une arête descendue d'un des sommets qui bordent la vallée ou qui se situe dans un versant, et qui forme saillie sur celui-ci.

Epaulements et contreforts

Au début d'une glaciation, les glaciers envahissent les vallées et le niveau de leur glace s'élève jusqu'au pléniglaciaire. A l'arrivée des conditions climatiques particulièrement sévères d'un pléniglaciaire, le contrefort se trouvait encore dans l'état créé par la tectonique antérieure aux glaciations.

Etat initial d'un contrefort

Puis la gélifraction entame sa lente action sur les versants. Comme un cube de glace en fondant voit ses arêtes s'arrondir, l'arête d'un contrefort, la partie la plus exposée à la gélifraction, se désagrège plus rapidement que le reste du versant.

Comme nous l'avons dit plus haut, en dessous de la surface du glacier, la glace a un effet protecteur et ne joue que des rôles accessoires : arrachement de blocs par poussée, polissage et abrasion. La partie sous-glaciaire du contrefort s'érode donc bien moins rapidement que la partie supérieure.

Au bout d'un temps assez long, le contrefort présente le profil suivant :

Formation d'un épaulement

Mais, il ne suffit pas de produire des débris, encore faut-il les évacuer, comme les copeaux d'un rabotage, faute de quoi les reliefs resteraient encombrés de pierrailles. Nous pensons que cette partie du travail d'érosion, indissociable de celui de la gélifraction, était accomplie par les glaciers de vallée.

 Au pied des éboulements, les débris étaient évacués de deux manières:

  1. ceux qui atteignaient la surface glaciaire étaient emportés par le mouvement du glacier,

  2. une autre partie des débris pouvait demeurer un certain temps en place sur les versants ; ils étaient, par la suite, emportés par les avalanches de neige et, plus tard encore, après réchauffement du climat, par les ruissellements d'eau d'origine météorique.

Au cours d'une glaciation, de nombreux éboulements se produisent, dont chacun crée sur un contrefort une entaille au niveau atteint par le glacier, selon le schéma ci-dessus.

C'est au cours du pléniglaciaire que ce niveau est resté constant le plus longtemps, et l'accumulation des entailles créées à ce moment se traduira par la création d'une érosion de grandes dimensions à l'altitude atteinte lors du pléniglaciaire. Cette érosion aboutit le plus souvent, à la création d'un épaulement. Un tel épaulement est donc celui qui se situe à la plus grande altitude sur le contrefort considéré. C'est pourquoi nous l'avons nommé épaulement supérieur. Il est par ailleurs normal que les épaulements de ce type les plus importants se soient formés au cours du pléniglaciaire du Mindel, compte tenu de sa longue durée. Nous en verrons quelques exemples dans la suite de cette page.

Lors du cataglaciaire, l'épaulement sera définitivement dégagé et signera l'altitude maximale atteinte par le glacier au cours de la glaciation.

Ce résultat est dû à l'action conjointe de la gélifraction et de l'évacuation des débris par le glacier. Nous avons nommé cette action « érosion par Gélifraction et Transport par le glacier » (ou érosion GT).

Pour déterminer au cours de quelle glaciation s'est formé un épaulement, il faut connaître l'altitude atteinte à cet endroit aux diverses époques glaciaires. Pour cela on peut se baser sur des résultats qui figurent déjà dans notre étude, en particulier les graphiques d'altitude atteinte par les glaciers dans diverses vallées des Alpes et dont voici un exemple, relatif à la vallée de l'Isère :

Altitudes atteintes par les glaciers dans la vallée de l'Isère

De nos jours, les reliefs créés par l'érosion GT peuvent se présenter sous deux formes :

  1. la plus répandue est celle d'une surface plane, située à l'altitude de la surface du glacier qui lui a donné naissance et de dimensions importantes si elle a pu s'exercer pendant un temps suffisant.

    Si cette surface est portée par un contrefort, ce sera un épaulement, de plus ou moins grandes dimensions. Si le contrefort est perpendiculaire aux courbes de niveau du glacier, comme c'est très fréquemment le cas, la surface de l'épaulement sera même sensiblement horizontale.

    Dans le cas d'un chaînon de plusieurs sommets bordant une vallée, la même érosion conjointe par gélifraction et transport par un glacier (érosion GT) s'exerce tout au long de celle-ci, donnant ainsi naissance à un plan d'épaulement situé sensiblement à la même altitude que celle du glacier.

  2.  La seconde forme, qui peut être considérée comme l'aboutissement ultime de l'érosion GT, est décrite à la page sur les sommets arasés au pléniglaciaire.

Intéressons-nous pour commencer aux reliefs de la première forme.

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Quelques exemples d'épaulements supérieurs

Bien que les épaulements créés par l'érosion GT au cours du Mindel soient particulièrement remarquables, nous citerons en tête de ces exemples les épaulements de Château Nardent, au-dessus de Crolles (Isère), où apparaît distinctement le rôle joué par chacune des glaciations.

Les épaulements de Château Nardent

L'arête sud du Bec Charvet, dans le Massif de la Chartreuse, en Isère, porte un épaulement à la cote 1470 m. L'examen de la carte montre que cet épaulement est horizontal sur une longueur d'une centaine de mètres, deux caractéristiques qui montrent qu'il a été créé par l'érosion GT lors du pléniglaciaire d'une glaciation. Or, cette altitude est celle qu'atteignait à cet endroit le glacier rissien lors de son pléniglaciaire.

L'arête sud du Bec Charvet dans le Massif de la Chartreuse en Isère

Par contre, l'épaulement de Château Nardent proprement dit se situe à une altitude de 1220 mètres et il est horizontal sur une longueur de 900 m. Ces deux caractéristiques, horizontalité et longueur très importante montrent qu'il a pris naissance au pléniglaciaire d'une glaciation, cependant que son altitude de 1220 m indique que cette glaciation est celle du Würm.

L'épaulement Château Nardent en Isère

On peut s'étonner, vu les importances différentes des glaciations du Riss et du Würm, d'une pareille différence de longueur entre l'épaulement de l'arête sud du Bec Charvet, à l'altitude de 1470 m, long d'une centaine de mètres, et celui de Château Nardent à l'altitude de 1220 m, long de 900 m. La raison de cette différence doit être cherchée dans des natures de terrains différentes : calcaires  jurassiques résistants à l'érosion pour l'épaulement à 1470 m et terrains morainiques würmiens moins résistants pour l'épaulement de Château Nardent à 1220 m.

Vous pouvez consulter ici d'autres exemples d'épaulements supérieurs.

Conclusion

Laissons au fabuliste le soin de tirer une conclusion adaptée à l'érosion GT :

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage

(Le lion et le rat)

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Mise à jour le Mercredi, 09 Octobre 2019 12:02