Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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La calotte durancienne |
Écrit par Claude Beaudevin | ||||||||||||
Vendredi, 20 Décembre 2013 17:59 | ||||||||||||
Présentation des lieuxLes différentes glaciations qui se sont succédées dans les Alpes ont atteint des altitudes bien différentes dans les parties basses et moyennes des vallées. Le Mindel, objet de notre propos, s'est élevé plus haut que le Riss et le Würm. Les traces laissées par les glaciers du Mindel dans les vallées, si leurs formes ne sont pas très différentes de celles des glaciations postérieures, doivent, en conséquence, être recherchées à des altitudes supérieures. La vallée de la Haute-Durance, en amont de Savines (Hautes-Alpes), était parcourue par un glacier qui prenait naissance dans le Massif des Écrins. Dans sa descente vers le sud, ce glacier recevait l'appoint de nombreux appareils provenant de massifs dont les sommets culminaient entre 3000 et 4000 m d'altitude (en particulier Les Ecrins en rive droite, le Queyras en rive gauche). C'était donc un glacier de vallée classique. En aval de Savines, passé le Pic de Morgon, rien de tel. Rejoint à ce niveau par les glaces de l'Ubaye et, quelques kilomètres plus loin, par une partie de celles du Drac qui venaient de franchir le seuil Bayard, le glacier de la Durance débouchait en effet dans un vaste espace dégagé. Les sommets susceptibles d'empêcher l'expansion de cet important flot de glace se situaient uniquement au nord et à l'est. Le sud et l'ouest ne comportaient aucun massif dont l'altitude aurait pu gêner la progression des glace Toutes les conditions étaient réunies pour que se forme, sur la vallée de la Durance, une vaste nappe de glace, que nous avons nommée « calotte durancienne ».
La calotte durancienneLa largeur de la calotte ainsi formée par la réunion des glaces de la Durance, de l'Ubaye et d'une partie de celle du Drac avoisinait, de Laragne-Montéglin, à l'ouest, à Seyne, à l'est, les 40 km.Sa longueur, du col Bayard jusqu'à la Montagne de Lure était proche de 50 kilomètres. Quelques sommets et massifs isolés émergeaient de la calotte, couverts eux-mêmes de glaciers locaux et dont les plus importants, formant parfois des calottes locales, sont énumérés ci-dessous. Les altitudes de la surface glaciaire indiquées sur la carte ci-dessous résultent des sites témoins que nous avons pu identifier sur les bordures de la calotte ainsi que sur les massifs émergeant à l'est.
Limites de la calotteSur sa bordure nord, la calotte était limitée par la retombée du massif du Dévoluy dans lequel le sommet le plus élevé, le Pic de Bure atteint 2709 m. Sur sa bordure est, elle s'appuyait contre une chaîne continue de sommets, depuis les Trois Évêchés - Tête de l'Estrop (2819 m - 2961 m) jusqu'à celui du Caduc (2650 m), puis au Mourre de Simance (2511 m), au Sommet de Denjuan (2401 m), à la Montagne du Cheval Blanc (2307 m), pour finir à la Montagne de Coupe (1988 m à 1451 m), à l'est de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence). Ce véritable mur empêchait les échanges entre la calotte durancienne et, à l'est, le glacier du Verdon, si ce n'est peut-être par de faibles débits de glace empruntant quelques cols très élevés. Au sud, nous avons, pour l'instant, limité l'étendue de la calotte, un peu arbitrairement, à la Montagne de Lure (1826 m), après laquelle elle se transformait progressivement en un glacier de vallée, celui de la Basse Durance. Enfin, la bordure occidentale se situait légèrement à l'ouest du Buëch, là où la calotte se morcelait en une série de glaciers de vallée, les glaciers du Diois, objet d'une page spéciale. L'altitude de cette bordure ouest décroissait de 1520 m à 1200 m du nord au sud. Les affluents de la calotteLa calotte durancienne recevait, sur ses bordures nord et est, un certain nombre d'affluents :
Les glaciers issus de la calotteLa surface de la calotte s'abaissait d'est en ouest, en même temps que du nord au sud. Alors qu'elle recevait des affluents sur ses bordures nord et est, elle émettait plusieurs exutoires sur ses bordures sud et ouest. C'est par celles-ci que nous allons continuer notre tour de la calotte. Suivons tout d'abord la bordure sud. Le long de celle-ci, la calotte ne recevait donc plus aucun affluent digne de ce nom. Au contraire, c'était ses glaces qui descendaient vers le sud-ouest, empruntant la basse vallée de la Durance. Le front glaciaire, terminaison du glacier, devait probablement se situer au Défilé de Mirabeau (Alpes de Haute-Provence). Nous commenterons cette probabilité dans une page spéciale consacrée à ce glacier de la Basse Durance. Terminons en remontant vers le nord le long de la bordure ouest. Nous y rencontrons une série de glaciers, effluents de la calotte (glacier de la Drôme, du Céans, de l'Ouvèze, de la Méouge et du Jabron), qui se dirigeaient tous vers l'ouest et dont certains sont étudiés en détail à la page sur les glaciers du Diois. Les massifs emergeants de la calotte durancienneÀ l'intérieur de la calotte durancienne ainsi définie, existaient, nous l'avons dit, des sommets qui en perçaient la surface, qu'ils pouvaient dépasser de plusieurs centaines de mètres. Ces sommets eux-mêmes abritaient des glaciers qui alimentaient la calotte, par exemple :
Les massifs émergents orientauxMais les massifs émergents les plus importants se situaient dans la partie est de la calotte. Ils divisaient le mouvement des glaces en deux courants :
Les sites témoins que nous avons pu identifier sur les massifs émergents permettent d'avoir une idée assez précise du mouvement des glaces dans cette région. La Grande Gautière était ainsi couverte d'une calotte locale. Celle-ci était isolée du massif des Monges-Clot Ginoux par le flot de glace appartenant à la calotte qui remontait la vallée du Sasse. Une autre branche de la calotte provenait également de Turriers en empruntant le col des Sagnes et la vallée d'Astoin. Ces deux courants de glace se rejoignaient sur Bayons. À proximité de ce village, à Vergers, en bas de la Crête de la Colle, la calotte durancienne cotait 1760 m. On remarquera que cette altitude est identique à celle qu'elle présentait sur l'arête nord-est de Céüse. Le massif émergent le plus important se situait à l'est d'une ligne Gap - Sisteron. C'était un ensemble de sommets que nous appellerons massif des Monges-Clot Ginoux (2115 m - 2112 m). Parmi ces sommets, citons la Crête de Géruen (1880 m), Chabanon-Sélonnet - Tête Grosse (2032 m). Une calotte locale couvrait le sommet de Clot Ginoux, la Crête de Val Haut, Tête Grosse, la Perte, le Cuguret, le Chabanon, Clot de Bouc et s'étendait peut-être aux Monges, au Sommet de Chine et au Sommet de Nible. La calotte durancienne proprement dite prenait fin vers Seyne les Alpes, où elle émettait vers le col de Maure un glacier qui descendait la vallée du Bés. Le glacier du BèsCelui-ci était également alimenté par les glaciers de versant dominant la rive gauche du Bés, jusque et y compris celui de la face Nord du Blayeul. Le nombre de ces glaciers de versant ainsi que la présence d'éboulis dans les parties basses des pentes ne permettent pas d'identifier avec certitude d'éventuels sites témoins sur cette rive gauche du Bès. Sur sa rive droite, le Bès voisine avec plusieurs vallons ou ravins tels ceux du Mardaric, de la Grave ou encore le ravin de Val Haut. De nombreux échanges de glace devaient se produire entre ces vallons et les épaulements qu'ils ont créés ne peuvent donc pas être utilisés pour déterminer l'altitude du glacier du Bés. A l'ouest du col de Maure, là où la calotte engendrait le glacier du Bés, les glaces enserraient le Grand Puy (1761 m), un sommet jardin, ainsi que le prouve les ravinements de son versant ouest qui montrent que la glace affleurait sa crête sud jusqu'au sommet d'épaulement 1720 m. Une épaule (site CDE2) sur l'arête nord du Sommet de Grisonnière (2010 m), horizontale à +/-5 m près sur une longueur de 500 m, nous donne un glacier à 1750 m. L'orientation WSW/ENE de cette épaule montre qu'elle était franchie par une diffluence NNW/SSE, en direction de la Bléone, des glaces de la calotte qui descendaient la vallée du Bès. Parvenu à Verdaches, le Bès émettait, par les cols du Mal Hiver et du Labouret, une diffluence qui gagnait la vallée voisine de l'Arigéol puis celle de la Bléone, en donnant naissance au passage à plusieurs épaulements et à deux sites remarquables, l'éventail d'épaulements du Labouret et celui de Boullard. Ces divers sites témoins nous permettent d'estimer que sa surface se situait ici aux environs de 1350 m, ce qui permet d'évaluer son altitude au-dessus de Verdaches a une valeur peu différente. Plus en aval, au-dessus des Clues de Verdaches, le glacier du Bès recevait sur sa rive gauche l'apport des glaces du versant nord de Blayeul. À la fin de son parcours, à la Clue de Barles, il rejoignait enfin, vers 1280 m, la partie de la calotte qui avait contourné les massifs émergents par l'ouest. Quelques sites remarquables de la bordure estLa rupture de pente de la Montagne de CoupeLa Montagne de Coupe s'étend à l'est de Digne-les-Bains. Son versant ouest, contre lequel s'appuyait la bordure est de la calotte durancienne, nous montre un relief intéressant. Ce versant présente en effet une rupture de pente presque horizontale qui s'allonge sur plus de 6 km et dont le niveau s'abaisse de 1250 m au nord à 1200 m au sud (voir les flèches bleues). Au-dessus de cette ligne de rupture de pente, le versant qui s'élève jusqu'à l'arête faîtière de la Montagne de Coupe présente une pente importante alors qu'en dessous de cette ligne, la pente s'adoucit très sensiblement Or, ces valeurs d'altitude sont exactement celles fournies par les sites CDE9 et CDE10. Pour éviter l'influence d'éventuels glaciers descendant de l'arête, nous avions sélectionné ces sites à une distance kilométrique à l'ouest du versant. Ils sont donc indépendants de la ligne de rupture de pente. On sait que l'altitude de la surface de glace, qui figure également dans le tableau, s'obtient en ajoutant 50 m à l'altitude des sites. On voit donc que la surface de la glace se situait 50 m au-dessus de la ligne de rupture de pente. Ce résultat n'a rien d'étonnant si l'on admet, à notre suite, que ce sont les eaux glaciaires coulant sous la surface qui ont imprimé leur trace dans le versant. Le schéma est donc le même que celui que nous avons décrit à la page sur la règle des falaises, mais qui s'applique ici à des roches moins compactes. On peut donc penser, sous réserve de vérifications ultérieures, qu'il peut s'appliquer dans certains cas où les terrains sont moins résistants à l'érosion, ce qui ne permet pas qu'ils donnent naissance à des falaises. De telles formes sont moins pérennes que celles-ci, du fait justement de leur moindre résistance à l'érosion. La circulation des eaux glaciaires de la calotteUne pareille surface de glace engendrait un énorme débit d'eaux glaciaires, auxquelles s'ajoutaient celles apportées par les glaciers affluents. Nous pensons que les eaux glaciaires s'écoulaient schématiquement de la manière suivante : les eaux glaciaires de surface, qui coulaient à 100/150 m sous celle-ci, suivaient la pente locale de la surface. De place en place, en utilisant les moulins de rive, elles gagnaient les profondeurs, où elles devenaient tributaires du relief du fond d'auge. En conséquence :
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Mise à jour le Samedi, 08 Juin 2019 18:07 |