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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Le vallon de Caïros PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Lundi, 11 Mars 2013 09:44

Un exemple d'utilisation de la règle des prairies

La vallée de la Roya se situe tout à fait à l'est du département des Alpes-Maritimes, à la frontière italienne. Sur sa rive droite, au-dessus de Fontan, la Roya reçoit l'apport des eaux des vallons de Caïros et de la Céva. Le premier d'entre eux draine les eaux d'une vallée importante, qui culmine à la Cime du Diable, à 2685 m. Le second se contente d'un bassin plus limité, s'élevant jusqu'à la Pointe de la Corne de Bouc, à 2414 m.

Les vallons de Caïros et de la Céva (Alpes Maritimes)

copyright « ©IGN– 2012 »

Bien entendu, au pléniglaciaire de la Glaciation Maximum, ces deux vallées étaient empruntées par des glaciers, tous deux affluents du glacier de vallée de la Roya, qu'ils rejoignaient à niveau, à une altitude de l'ordre de 1100 m. Le fait est attesté, en particulier, par l'existence de deux épaulements sur la rive gauche du vallon de Caïros, repérés A et B sur la carte ci-dessus.

À quelle altitude la surface du glacier s'élevait-elle ici ? Pour le savoir, utilisons la méthode des sites témoins en nous basant sur l'altitude de leurs sommets.

Les épaulements du vallon de Caïros (Alpes Maritimes)

copyright « ©IGN– 2012 »
  1. Le col de Mardi se situe sur un épaulement à pommeau, de coordonnées géographiques 7° 27' 22" Est – 44° 01' 29" Nord. L'altitude du pommeau est 1673 m. Rappelons que l'on obtient sensiblement l'altitude de la surface du glacier en ajoutant 50 m à celle du sommet d'épaulement. Cela permet de situer vers 1720 m la surface du glacier créateur de cet épaulement A.

  2. La crête de Bouine porte également un épaulement à pommeau de coordonnées géographiques 7° 27' 26" Est - 44° 01' 35". Son altitude de 1660 m indique que la surface de glacier se situait environ à 1710 m.

Ces deux valeurs sont, compte tenu de la précision de la méthode, cohérentes entre elles.

Ces épaulements se situent respectivement à 4200 m et 3500 m à l'amont de la Cime de Coss, qui va nous servir de repère dans la suite de l'étude.

Appliquons à présent la règle des prairies et voyons si elle peut nous fournir des altitudes de glaciers compatibles avec celles que nous venons de calculer en utilisant la méthode des sites témoins.

Pour cela, regardons si ce glacier de Caïros était susceptible d'envoyer des diffluences dans la vallée de la Céva en franchissant la crête qui les séparait ?

Cette crête, en amont et en aval de la Cime de Coss (1680 m), présente une série de quatre petits vallons inclinés vers le nord, c'est-à-dire qui aboutissent à la Céva. Les sommets de ces petits vallons s'étagent, d'ouest en est, de 1529 m pour le vallon des Praïs à 1303 m pour celui du Grail d'Albey ( Pratolin).

Les vallons encadrant la Cime de Coss (Alpes Maritimes)

copyright « ©IGN– 2012 »

Voici une carte IGN de ce secteur. En survolant celle-ci avec la souris, on peut y supperposer une représentation de l'occupation des sols (légende visible sur cette page de Geoportail, cliquer sur l'onglet  Légende ).

Le plateau de la Céva (Alpes Maritimes)
Image sensible au passage de la souris
copyright « ©IGN– 2012 »

On voit que le fond des vallons porte en général des prairies (repère 231 de la carte PACA), excepté pour les deux vallons situés à l'amont, ceux des Praïs et des Munti, qui comportent aussi des éboulis et des rochers parmi une végétation clairsemée (repère 333).

La carte d'occupation des sols PACA indique toutefois que le vallon de Méème est couvert de forêts alors que nous avons pu constater sur place que le fond du vallon est bien constitué de prairies. Nous pensons que cette divergence entre la réalité et la carte PACA n'est pas due à une erreur de celle-ci, mais au fait que son unité minimale de collecte est de 2,5 ha, de sorte qu'il n'est pas possible d'étudier des parcelles de surface inférieure. L'examen de la vue aérienne va nous conduire aux mêmes conclusions, car elle montre bien l'existence d'une prairie étroite d'une largeur d'une centaine de mètres.

Le vallon de Méème sous la Cime de Coss (Alpes Maritimes)

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La carte géologique au 1/ 50 000 indique que le sol des quatre vallons est formé d'«éboulis fixés, généralement anciens, localement à gros éléments», recouverts en certains points de leur pourtour par des éboulis plus récents venant des rives. Cette définition n'est pas contradictoire avec ce qui précède, les auteurs de la carte géologique ayant pris en compte uniquement les origines rissiennes ou würmiennes des terrains glaciaires.

Carte géologique du plateau de la Céva (Alpes Maritimes)

copyright « ©IGN– 2012 »

La photo suivante, prise au sommet du vallon du Grail d'Arbey, à Pratolin, montre bien une prairie, dont la fraîcheur contraste vivement avec l'aspect rocailleux et pauvre des pentes voisines.

Le vallon du Grail d'Albey (vallée de la Roya -Alpes Maritimes)

La réalité rejoint donc les conclusions que l'on peut tirer de l'application de la règle des prairies, de l'examen de la vue aérienne, de la lecture de la carte PACA, plutôt que de celle de la carte géologique.

On voit que la prise en compte de l'occupation du sol permet de déduire que ces vallons, tapissés de nos jours principalement de prairies, voyaient jadis passer de petites diffluences du glacier de Caïros vers le glacier de la Céva. Ces diffluences ont permis à la moraine rive gauche du glacier de Caïros de se déposer dans les vallons, donnant ainsi naissance par la suite aux sols actuels.

Le sens de circulation des glaces est bien indiqué par le fait que les dépôts n'existent que dans le fond des petits vallons et non sur le versant Caïros ainsi que par la dissymétrie des versants, le versant Céva étant beaucoup moins incliné que celui de la vallée de Caïros. De plus, il est corroboré par le fait que les vallons se jettent dans la Céva par l'intermédiaire de ravines, signatures fréquentes du passage de circulations d'eau importantes, donc glaciaires.

Le sens de circulation des glaces est indiqué sur l'image suivante.

Les glaciers de Caïros et de la Céva (Alpes Maritimes)

copyright « ©IGN– 2012 »

Conclusion

Nous pensons, sur la base de l'étude du glacier de Caïros ainsi que d'autres effectuées dans divers secteurs des Alpes, que cette règle des prairies peut être utilisée même dans le cas de la Glaciation Maximum et qu'elle constitue un indicateur fiable de l'existence et du tracé de ses anciens glaciers.

Cette règle des prairies peut-elle être appliquée en l'absence de la carte des sols PACA ?

C'est effectivement le cas, ainsi que le montrent les études que nous avons effectuées dans la vallée du Vénéon (Isère), au-dessus de Saint Christophe en Oisans, au Miroir des Fétoules, ainsi que dans la région de Villard-de-Lans (Vercors, Isère) ou encore sur l'alpage de la Molière, au-dessus de Grenoble (Isère).

Ces études feront l'objet d'une page spéciale dans un proche avenir.

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