Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
Certains mots à la signification spécifique sont écrits en bleu et soulignés en pointillés. Si vous laissez la souris dessus, une info-bulle affichera leur définition. |
Extension des glaciers du Mindel au sud du Dévoluy |
Écrit par Claude Beaudevin et Bruno Pisano | |||||||||||||||||||||||
Vendredi, 15 Juin 2012 09:33 | |||||||||||||||||||||||
Aspect géographiqueDe chacun des cols de la bordure sud du Dévoluy (de l'ouest à l'est, col des Aiguilles (A), col de Darne (B), col du Festre (C), col de Rabou (hors carte)) descendait un glacier, émanation de l'appareil qui remplissait le Dévoluy. Certains d'entre eux tombaient abruptement vers le sud sans recevoir d'affluents. Ce ne sont pas les plus intéressants pour nous.... Par contre, au sud du col du Festre, à la hauteur du hameau de La Cluse, se rejoignaient trois flots de glace représentés sur la carte ci-dessous :
A la confluence de ces trois flots de glace, s'initie la vallée du Béoux orientée nord-sud jusqu'au Petit Buëch. Nous considèrerons (de manière arbitraire, nous en convenons) que les glaces en provenance du col du Festre, complétées par celles des rives droite et gauche, représentent le "glacier du Festre", nom dû à son origine. Enfin, en rive gauche et au sud de la Combe de la Cluse, un important glacier de paroi (4) était accroché au flanc du Plateau de Bure. Nous verrons cela un peu plus loin.
Nous indiquons, sur la carte qui suit, les emplacements des sites que nous avons identifiés et qui seront décrits en détail ci-dessous.
Le glacier du vallon de l'Abéou
Le site du Chauvet
A droite de ce sommet, vers l'est, son flanc sud est couvert par une vaste zone de pâturages qui s'élèvent très haut et qui ont été épierrés. Il s'agit de clapiers « paysans », et non pas de « pseudo-clapiers », ainsi que le montre la photo ci-contre où l'on voit la forme quasiment géométrique de ces clapiers. Le sol composant ces pâturages devait être suffisamment riche pour que, en dépit de leur altitude, les paysans montent les épierrer. Il s'agit donc de terrains glaciaires.
Par ailleurs, la carte montre qu'une ravine nait sous cet épaulement à une altitude de 1700 m (site DV26 sur la carte). Elle n'est surmontée par aucun bassin de réception qui pourrait expliquer le large éventail de son pierrier. Nous pensons donc qu'il s'agit d'une ravine glaciaire d'épaulement, qui évacuait une partie des eaux latérales de surface de ce glacier. En somme, elle jouait le rôle d'un moulin de rive. Comme, pour les moulins de rive, il faut ajouter 100 à 150 m pour avoir l'altitude de surface du glacier, ceci nous amène à une altitude de l'ordre de 1800 à 1850 m à cet endroit, résultat qui corrobore bien celui provenant de la base de la falaise du Chauvet. C'est à cette altitude et en ce lieu que devaient se rencontrer le glacier issu du Dévoluy par le col du Festre avec celui en provenance du vallon de l'Abéou. Le col de DarneAprès la retombée de l'arête nord-ouest du Chauvet, nous arrivonse au col de Darne, entre le Chauvet et la Tête de Merlant. Ce seuil, long de 250 m, à l'altitude de 1933 m, est particulier. A-t-il vu passer un glacier ?
En l'état actuel de nos recherche, le col de Darne (1933 m) a donc pu être franchi par une petite épaisseur de glace, insuffisante toutefois pour que les eaux glaciaires de surface du glacier qui occupait son versant nord et qui coulaient à 100 / 150 m sous la surface, aient pu le franchir, comme le montre l'absence de ravinement important sur le versant de la photo. La vallée du BéouxA la sortie du vallon de l'Abéou, à La Cluse, démarre la vallée du Béoux, orientée plein sud et qui, quelques kilomètres plus en aval, alimente le Petit Buëch. Suivons maintenant, sur l'une et l'autre rive, le cours du Béoux, sensiblement nord-sud. Le site de Haute-Luce
En s'approchant du pied de Haute-Luce par le col des Manges (1485 m) au nord-ouest, on rencontre d'abord une série de terrasses inclinées. Elles sont peu visibles, et il faut d'ailleurs sur place un œil un peu exercé pour voir qu'il s'agit de sillons vallonnés très estompés par le temps.
Un peu plus haut, on trouve deux petites terrasses, bien horizontales celles-ci, longues d'une vingtaine de mètres chacune. Ces sillons vallonnés et ces terrasses, datant d'une glaciation aussi ancienne, ont été forcément très abîmés par le passage des millénaires. C'est pratiquement le seul site où nous avons trouvé de tels types de traces dus à la glaciation du Mindel encore visibles. Encore plus haut on arrive, vers 1560 m, à la base de la paroi de rochers sommitale. Le sommet, à 1586 m, est constitué par cette barre de rochers dont le pendage est dirigé vers l'est. Il s'agit donc d'une cuesta (site DV28 sur la carte). Si l'on applique la règle des falaises, la surface glaciaire devait dépasser de quelques dizaines de mètres la base des falaises. Le glacier devait noyer de peu ce petit sommet. D'après l'altitude de la base des falaises, nous pouvons estimer l'altitude de la surface glaciaire à 1610 m (1560 + 50). Par ailleurs, le sommet de Haute Luce est aussi un môle. Le site de La RémondièreL'arête sud de la Rémondière montre un épaulement bien net dont le sommet cote 1660 m (site DV29 sur la carte). Ce qui nous donne, en ajoutant 50 m, une altitude de surface glaciaire de 1710 m. En nous déplaçant vers l'ouest, nous atteignons la Crête des Amésuras (1835 m) en passant par le col d'Aune (1632 m). Ce large col (500 m) est marqué en son milieu par un petit sommet, le Serre de Ramasset (1682 m). Le nord de la Crête des Amésuras porte un autre épaulement dont le sommet cote 1685 m (site DV30 sur la carte) d'où une altitude de surface glaciaire de 1735 m. Ces épaulements montrent que, à cette altitude, le col d'Aune et le Serre de Ramasset ont été franchis par le glacier, puisque celui-ci cotait 1710 m (1660 + 50) à 1735 (1685 + 50). La dissymétrie des versants montre que la glace provenait du nord, c'est-à -dire du vallon de l' Abéou.
L'orée du DévoluyC'est ainsi qu'on pourrait appeler la partie située entre La Cluse et le col du Festre, qui alimentait en glace le tronçon supérieur du glacier du Festre. Cette zone recevait des glaces sur son côté ouest, provenant du Vallon des Aiguilles, mais surtout, sur son côté est, descendues du plateau d'Aurouze. Ces deux glaciers se réunissaient, donnant naissance à une selle glaciaire dont le sommet devait se situer vers le col du Festre et dont les glaces s'écoulaient aussi bien vers le nord que vers le sud. Il est difficile d'apprécier son altitude. En effet, si quelques sites témoins du glacier du Vallon des Aiguilles existent encore, du coté glacier du plateau d'Aurouze, nous n'en avons trouvé qu'un seul. Ceci est probablement dû au fait que ce dernier glacier descendait en occupant toute la largeur de la pente, contrairement à un glacier de vallée qui, lui, longe la pente et peut créer des sites témoins sur ses rives.
Côté ouest, dans le vallon des Aiguilles, quelques points sont utilisables :
Sur le versant est, un seul sommet d'épaulement à la cabane de la Tête des Casses, à 1950 m (site DV34) avec une altitude de surface glaciaire de 2000 m. Passons maintenant à l'est du méridien du col du Festre. Ce versant est marqué par d'immenses clapiers, parmi les plus hauts d'Europe. Ils ont recouvert le relief et il n'est pas possible d'accéder à celui-ci, sauf aux rares endroits où il émerge.
Plus au sud, sous les falaises qui s'étendent de la Tête d'Aurouze à la Tête des Pras Arnaud, se trouvent deux épaulements très intéressants :
Enfin, plus loin encore, sur l'arête sud de la Tête des Pras Arnaud, arête qui séparait le glacier de vallée du Festre, que nous venons d'étudier, du glacier de cirque du plateau de Bure (glacier du Rabioux) se trouve le col des Rimas, un épaulement à pommeau. Mais son altitude de 1750 m, un peu élevée par rapport aux précédentes, nous laisse penser qu'il subissait l'influence du glacier du Rabioux. Une étude plus approfondie de l'autre rive de ce glacier de cirque nous semble préférable avant d'émettre une hypothèse (page en cours). Aspect géologique, nature des rochesUne carte géologique des lieux, due à Maurice Gidon, est consultable sur sa page du Bochaine oriental. A l'ouest du Béoux, la falaise du Chauvet est constituée de terrains crétacés du Sénonien supérieur, avec un pendage vers le nord-est, ce qui permet d'appliquer à cette cuesta la règle des falaises comme indiqué plus haut. Sur la rive est du Béoux, les rochers qui émergent de la couverture d'éboulis (Serre Chutet, La Voulue, ...) sont formés de terrains du Jurassique supérieur (kimméridgien supérieur). La différence de ces terrains fait que, de nos jours, selon les précipitations, il peut être difficile de traverser à gué l'Abéou (à l'est), alors que la Combe de la Cluse (à l'ouest), un des plus longs clapiers des Alpes, ne voit jamais passer une goutte d'eau. Enfin, selon la carte géologique au 1/50000, les dépôts würmiens ne dépassent pas La Cluse. |
|||||||||||||||||||||||
Mise à jour le Mercredi, 28 Mai 2014 19:49 |