Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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Quelques commentaires sur les principaux sites témoins des crêtes du Val d'Autrans |
Écrit par Claude Beaudevin |
Lundi, 13 Décembre 2010 15:51 |
Les caractéristiques des sites témoins sont visibles dans ce tableau. Au passage et bien qu'il ne s'agisse pas d'un site témoin, signalons que le Gouffre Berger, cavité qui s'ouvre à 1460 mètres d'altitude sous les Égarlettes et qui a détenu un certain temps le record du monde de profondeur, a été, au cours du cataglaciaire du Mindel, parcouru par les eaux glaciaires latérales du glacier de l'Isère. Il arrivait souvent que des éléments de la moraine latérale rive gauche du glacier de l'Isère franchissent, en ses points bas, la crête nord du Val d'Autrans en même temps que la glace. Les plus gros blocs ont pu résister au temps, ils sont parfois encore bien visibles, par exemple dans le vallon de Nave, mais également au sommet même du Bec de l'Orient. Les éléments fins de la moraine pénétraient également dans le versant Val d'Autrans, en particulier l'argile, qui a laissé des traces de son passage sous forme de prairies qui tranchent sur les lapiaz et les chaos rocheux omniprésents dans ce versant. Ces prairies, bien représentées sur les cartes IGN, se situent en général aux points bas de la crête, mais certaines sur les sommets de celle-ci ce qui permet de les utiliser comme sites témoins, ce qui est le cas de celle-ci, repérée NV11, qui se situe à l'altitude de 1555 m au sommet du Bec de l'Orient, à quelques mètres de la moraine NV9.
Prairie sous le sommet du Bec de l'Orient
Le sommet de La Sure (1643 m) présente, outre une prairie, quelques clapiers d'origine glaciaire à la même altitude, ce qui nous fournit, pour l'altitude de la surface glaciaire à cet endroit, une valeur a minima de 1643 m. Prairie près du sommet de la Sure
Clapier d'origine glaciaire au sommet de la Sure
Le site caractéristique suivant, le Pas de la Clé, présente à son sommet de belles prairies. La prairie du Pas de la Clé
Dernier sommet avant le vallon de Nave, le Bec de l'Orient (1554 m) présente à son faîte une moraine longue d'une centaine de mètres, composée de gros blocs, auxquels leur taille a permis de résister à l'érosion depuis le Mindel. Cette altitude permet de déterminer celle du glacier, mais seulement a minima, car il est possible que la moraine se soit formée au début du cataglaciaire, la surface du glacier s'était abaissée suffisamment pour que le sommet émerge. La moraine sous le Bec de l'Orient
Comme la Sure, la Buffe affleurait la surface glaciaire. Dans les deux cas, il s'agissait donc de sommets jardins. Passé le Bec de l'Orient et avant d'arriver au vallon de Nave, la crête nous offre un relief remarquable, celui de la Cheminée, dont voici une vue, mais que nous n'avons pas cité dans le tableau précédent, car il ne constitue pas un site témoin permettant de définir l'altitude du glacier. La Cheminée
Cette entaille dans la falaise, qui prend naissance sur l'arête elle-même, à une altitude de l'ordre de 1500 mètres, descend la falaise sur plus de 300 mètres de hauteur. Nous pensons que ce relief remarquable à été créé au début du cataglaciaire du Mindel, par l'action des eaux glaciaires de surface du glacier de l'Isère, coulant quelques dizaines de mètres sous la surface et qui profitaient de l'existence de deux failles à cet endroit. Le vallon de NaveContinuant à parcourir la crête, nous parvenons maintenant au dernier site caractéristique de celle-ci, le vallon de Nave. Il prend naissance dans une échancrure de 300 mètres de largeur dans la falaise. Le vallon de Nave Image Google Earth
Image sensible au passage de la souris
(Si Google Earth n'est pas installé sur votre poste, suivez la procédure indiquée ici)
Cette échancrure se situe à la Fontaine de Nave, quelque dizaines de mètres sous l'origine du vallon, à 1527 mètres, à partir de laquelle celui-ci descend régulièrement jusqu'à son arrivée vers 1100 m dans les prairies d'Autrans, trois kilomètres plus loin. Le vallon est double en début de parcours - c'est un exemple de gémellité - puis se réduit à un seul vallonnement après quelques centaines de mètres. Dans la partie haute du vallon s'ouvrent quatre « pots », anciens points d'absorption des eaux, représentés sur la carte IGN au 1/25 000. En amont de ces pots, le vallon est large et couvert de prairies. Celle de sa rive droite, représentée sur la photo suivante, s'élève à 1560 mètres. Ce sera notre site témoin NV21, dont les caractéristiques figuraient dans le tableau ci-dessus. La prairie à l'amont du vallon de Nave dans le Vercors
En aval des pots, au niveau de la cabane de Naves, un amoncellement de gros blocs barre le vallon et fait fait penser à une moraine frontale. Plus bas, le vallon se rétrécit, parfois jusqu'à quelques mètres de largeur seulement. Toutefois, si ses parois latérales s'élevent en forte pente, il ne devient jamais un véritable canyon. Si la responsabilité des eaux dans la formation du vallon est évidente, d'où celles-ci pouvaient-elles provenir, puisqu'il n'est dominé par aucun bassin d'alimentation ? Il ne peut s'agir que d'eaux glaciaires mais, à cette altitude de 1527 m, il ne peut s'agir de celles du Würm ou du Riss. Seul le glacier de l'Isère qui, avant de s'épanouir en lobe sur le Bas Dauphiné, descendait la cluse de Voreppe et contournait le rebord nord du Vercors, a pu, au Mindel, envoyer ses eaux creuser le vallon. En effet, comme nous l'avons vu plus haut dans cette page, la surface du glacier mindelien s'élevait à 1570 mètres environ sur le Bec de l'Orient. Sur l'origine du vallon de Nave, elle se situait donc légèrement plus bas, ce qui est confirmé par la présence d'une prairie représentée par la photo précédente, repérée NV21 sur le tableau ci-dessus et qui culmine à 1546 mètres, ainsi que par de nombreux clapiers d'origine glaciaire tel que celui représenté par la photo suivante. Un clapier à gros blocs d'origine glaciaire dans le haut du vallon de Nave (Vercors)
Ce clapier, dont l'origine glaciaire est avérée par sa situation à quelques mètres du bord de la falaise, est un clapier à gros blocs, provenant de la fracturation par le gel d'un bloc déposé ici par le glacier de l'Isère. Il se situe à l'altitude de 1530 mètres. Le film des événements nous paraît avoir été le suivant :
Du vallon de Nave au col de RomeyèreJusqu'à La Sure, nous avions affaire à un glacier de vallée dans lequel, la largeur de la vallée étant à peu près constante, les lignes de flux étaient parallèles. Plus à l'aval, nous l'avons dit plus haut, et jusqu'au Bec de l'Orient, la vallée s'élargissait et le glacier de vallée se transformait en lobe glaciaire. Un dernier élargissement de la vallée, le plus important, se situe au Bec de l'Orient, sommet à partir duquel la façade tourne au sud et où le lobe s'étalait encore plus. Sur cette façade ouest du Vercors, passé le vallon de Nave, la crête qui s'étend vers le sud sur plus de 8 km jusqu'aux Rochers de Pertuson (1486 m), qui dominent le col de Romeyère, s'élève à un niveau tel qu'elle ne pouvait pas être franchie par les glaces du lobe, non plus que par celles qui occupaient le Val d'Autrans. Elle ne présente en effet aucune trace de franchissement. C'est donc sur le versant ouest de cette portion de la crête qu'il convient de rechercher des sites témoins montrant l'altitude atteinte par les glaces du lobe. Sur le plateau de Fessole, au sud de la Fontaine de Nave, des clapiers d'origine glaciaire (NV12), ainsi que la présence d'une prairie de grandes dimensions, nous indiquent que la surface du glacier s'élevait ici à 1470 mètres environ. Quatre kilomètres plus au sud, nous parvenons à une série de 14 sommets d'épaulements, en général du type à pommeau, qui se succèdent sur 6 kilomètres jusqu'au col de Romeyère. Leurs altitudes, échelonnées entre 1256 mètres et 1205 mètres, nous montrent un glacier dont la surface s'abaissait de 1310 mètres au nord à 1260 mètres au sud, soit 1200 mètres seulement avant de parvenir au col de Romeyère. Le versant Est du col de Romeyère porte de nombreux clapiers d'origine glaciaire, dont le suivant, particulièrement remarquable, se situe exactement à l'aplomb du col. La taille des blocs qui le composent, dont certains dépassent le mètre cube, exclut, bien entendu, qu'il puisse s'agir de clapiers paysans ! Un clapier d'origine glaciaire au col de Romeyère dans le Vercors
Bien que moins impressionnants, de très nombreux clapiers d'origine glaciaire existent à proximité, le plus élevé étant le clapier repéré NV22, à 1210 mètres. Le versant Ouest du col de Romeyère présente lui aussi de très nombreux clapiers d'origine glaciaire. Le plus élevé de ceux-ci, NV23, fournit une valeur d'altitude de glacier de 1235 mètres, peu différente de celle de 1210 mètres trouvée sur le versant Est du col. On remarquera que cette valeur est également cohérente avec celle de 1260 mètres, signalée quelques lignes plus haut, à 1200 mètres au nord du col de Romeyère. Nous pensons donc pouvoir estimer à 1250 mètres environ l'altitude du glacier sur le col de Romeyère. Passé le col de Romeyère, nous pénétrons dans le domaine du massif des Coulmes, qui fait l'objet d'une page (en cours d'étude). Que peut-on dire de l'altitude des points bas de la crête ?Tout d'abord, au sud de Charande, la crête Est du Val d'Autrans a été franchie, au Pas de Bellecombe, par un écoulement d'eau suffisamment important pour avoir donné naissance au vallon largement ouvert de la Bellecombe. L'importance de l'érosion causée par cet écoulement d'eau se lit bien sur la carte géologique qui montre que, dans la Bellecombe, tous les terrains crétacés qui surmontaient l'urgonien ont été érodés jusqu'à faire apparaître celui-ci au jour. Nous pensons pouvoir expliquer l'importance de ce écoulement d'eau de la manière suivante : Revenons à la selle glaciaire mentionnée au début de cette page, qui prenait naissance vers 1740 mètres sur l'arête nord du Moucherotte. À son autre extrémité, cette selle s'appuyait sur l'arête sud de Charande, dans les environs de l'actuel Pas de Bellecombe, où son altitude devait donc être légèrement inférieure à cette valeur de 1740 mètres. L'altitude de l'arête sud de Charande étant voisine de 1660 mètres, une partie des couches supérieures du glacier pouvait donc la franchir. Ce sont les eaux de fusion de cette glace, accompagnées par les eaux glaciaires de surface du glacier, qui, selon nous, ont creusé, versant Autrans, le large vallon de la Bellecombe. Quant aux eaux glaciaires latérales du glacier de l'ombilic grenoblois, eaux qui courent, on le sait, sur la surface d'écoulement intraglaciaire à environ 150 mètres de profondeur, après avoir perdu le contact avec le terrain lors du contournement de l'arête nord du Moucherotte, elles traversaient la vallée de Lans-en-Vercors sous la selle glaciaire. S'écoulant toujours donc à une profondeur légèrement inférieure à 1600 mètres, elles rentraient en contact avec l'arête sud de Charande vers le Pas de Bellecombe. Ne pouvant franchir cette arête, qui dépassait cette altitude, elles s'écoulaient alors vers le nord en longeant la crête sur son versant Isère. Ce sont elles qui ont donné naissance au large plan d'épaulement de la Molière, long de plus de 5 km et dont le sommet se situe en effet à 1600 mètres. Mais tous les points bas n'ont pas l'ampleur du Pas de Bellecombe. Nous citerons par exemple :
Blocs erratiques aux Egarlettes
Ces points bas nous paraissent moins attribuables que les sommets aux actions glaciaires. En effet, quelques-uns d'entre eux ne montrent pas, versant Autrans, d'érosions qui puissent être imputées à des franchissements de la crête par la glace. Nous pensons qu'au début du cataglaciaire, donc avant ces reculs de la falaise, l'altitude de certains des points bas était plus élevée qu'à l'heure actuelle et que, par conséquent, ils ont été empruntés par des franchissements d'eau et de glace peu importants, voire nuls, qui ont généré des érosions moins intenses sur le versant Autrans. À 1543 mètres d'altitude, le Pas du Mortier, nous l'avons dit quelques lignes plus haut, sur lequel l'altitude du glacier au pléniglaciaire était voisine de 1640 m, aurait donc dû être franchi par une épaisseur de glace de l'ordre d'une centaine de mètres. Un franchissement d'une pareille importance, qui s'accompagne d'un gros débit d'eaux glaciaires de surface, aurait engendré une érosion intense sur le versant Autrans. Or il n'existe sur ce versant aucune trace d'une pareille érosion. Ceci nous amène à penser que le Pas du Mortier n'a pas été franchi par la glace au pléniglaciaire et que, par conséquent, son altitude était alors égale ou même quelque peu supérieure à celle du glacier, c'est-à -dire voisine de 1640 m, voire même un peu plus. La carte géologique mentionne d'ailleurs l'existence, sous la falaise, d'éboulis non stabilisés. Nous rappellerons que, peu après la construction du tunnel qui porte son nom et qui aurait facilité la jonction du Val d'Autrans avec la vallée de l'Isère la circulation a du y être interdite du fait des risques d'effondrement. Carte géologique du nord du Vercors Représentation Bruno Pisano
Nous avons d'ailleurs rencontré un cas analogue dans lequel le jeu d'une faille parallèle au bord d'une falaise a engendré, postérieurement au Mindel, un écroulement important de celle-ci, celui du ravinement de Ruinas Blanc, sous la Montagne de Boutarinard (Drôme). Cette particularité nous semble renforcer la validité de notre hypothèse d'écroulements de falaises et, en amont, pourrait-on dire, celle de l'utilisation de nos modalités de l'érosion glaciaire dans l'interprétation des formes du paysage. Quelques précisions |
Mise à jour le Dimanche, 11 Septembre 2016 13:07 |