Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
Certains mots à la signification spécifique sont écrits en bleu et soulignés en pointillés. Si vous laissez la souris dessus, une info-bulle affichera leur définition. |
La diffluence rissienne de Saint-Nizier-du-Moucherotte (Isère) |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||||
Vendredi, 30 Avril 2010 17:06 | |||||||||||||
La diffluence würmienne est étudiée à la page sur la diffluence würmienne de Saint-Nizier. L'étude de G. Monjuvent ne fait toutefois pas mention du glacier rissien. Est-il possible de retrouver dans les paysages des traces du passage de celui-ci ? Les environs de Saint-Nizier présentent trois formes de relief caractéristiques qui nous paraissent toutes trois imputables au passage du glacier rissien :
Altitude de surface du glacier rissienDeux des trois formes caractéristiques que nous venons de décrire permettent de déterminer l'altitude du glacier rissien. Ce sont : 1. Les dépôts glaciaires de la JailleLa formule qui donne l'altitude de surface d'un glacier peut s'appliquer ici, compte tenu de la largeur de la diffluence rissienne, sous réserve toutefois de l'effet de langue. Le calcul montre alors que le glacier responsable du dépôt de ce vallum de la Jaille (qui cote 1159 m), devait présenter, lorsqu'il franchissait l'arête nord du Moucherotte, à 1.000 m de là - c'est-à -dire sur le bord de l'ombilic de Grenoble - une altitude de l'ordre de 1300 m, suffisante cependant pour lui permettre de franchir, 250 m plus loin, le col de Malloroux (1210 m). Toutefois, au maximum du Riss, le plateau de Saint-Nizier-du-Moucherotte se trouvait entièrement recouvert de glace et aucun dépôt ne pouvait se produire ici, ce qui nous amène à dater la formation du vallum de la Jaille d'un stade de retrait précoce, lorsque, le niveau du glacier baissant, les glaces diffluentes n'ont plus rejoint celles du Furon. En conséquence, la prise en compte du vallum de la Jaille conduit à une altitude de surface du glacier rissien à son maximum sur l'arête nord du Moucherotte de l'ordre de 1300 m. 2. L'arête nord du MoucherotteNous avons vu que cette arête présente deux points d'inflexion , l'un à 1100 m d'altitude, l'autre à 1.250 m, que nous interprétons comme les sommets de deux épaulements des deux dernières glaciations. En appliquant la page sur le profil en travers des vallées et en tenant compte d'une épaisseur de glace de 50 m sur les sommets d'épaulements, nous sommes conduits à attribuer au glacier rissien, une altitude de 1250 + 50 = 1300 m
D'autres valeurs de l'altitude du glacier rissien sur Grenoble résultent de la prise en compte de : 3. L'avancée de ce glacier dans la plaine de la basse Isère(voir à ce sujet la page sur la basse vallée de l'Isère). Les études de G. Monjuvent, qui fixent l'emplacement du vallum terminal 56 km en aval de Grenoble conduisent à une altitude du glacier rissien au-dessus de l'ombilic grenoblois égale à 1.300 m. Mais, nous l'avons vu, il ne subsiste aucun vestige de ce vallum et nous ignorons comment G. Monjuvent a pu déterminer son emplacement. Nous noterons toutefois que les dépôts du Coing de Montaud, étudiés à la page sur les diffluences de Montaud, se situent convenablement sur la surface calculée en tenant compte du chiffre de 56 km énoncé par G. Monjuvent, ce qui conforte donc indirectement la valeur de 1.300 m avancée par cet auteur. 4. L'avancée du glacier dans la plaine de la Bièvre-Valloire......également étudiée à la page sur la basse Isère ne fournit pas, par contre, de valeur utilisable. Pourtant, le vallum rissien est ici identifiable. Il se situe, nous l'avons vu, 3,8 km à l'est de Beaurepaire, soit à 55 km de Grenoble. En prenant en compte une altitude de 320 m, le calcul mène à la valeur de 1368 m sur Grenoble. Mais ce résultat demande à être corrigé pour tenir compte d'un effet d'étalement, sensible en Valloire, où la vallée atteint une largeur de 10 km, à comparer avec celle de 4 km au-dessus de Voreppe. Cet effet diminue la pente de surface du glacier et conduit donc à des valeurs réelles de l'altitude inférieures à celles calculées, mais nous ignorons dans quelle mesure. Nous pouvons donc seulement avancer que la surface du glacier se situait plus bas que 1368 m. 5. Les blocs erratiquesDès 1860, C. Lory avait signalé leur présence sur les pentes du Moucherotte, retrouvés ultérieurement par A. Falsan et E. Chantre en 1879 (in Monjuvent, 1979). Ces blocs se situent à 1.300 m, qui constitue donc une valeur minimale de l'altitude du glacier.
Ces valeurs convergeant, nous pouvons conclure, rejoignant le chiffre de G. Monjuvent, que la surface du glacier rissien sur Grenoble se situait sensiblement à 1300 m.
Le glacier rissien dans la vallée du FuronJusqu'où le glacier rissien s'avançait-il dans cette vallée ? Atteignait-il le Val de Lans ? La carte géologique au 1/50 000 Vif ne fait mention d'aucun dépôt rissien dans cette région. Des indices nous incitent toutefois à penser que le vallum terminal rissien se situe sous le village de Lans-en-Vercors et qu'il est masqué par les alluvions fluvioglaciaires postwürmiennes figurant sur la carte. Ce village s'allonge en effet, à une altitude de 1004 à 1020 m environ, sur une crête rectiligne barrant complètement la vallée. A 1200 m au nord de Lans-en-Vercors, le bedrock de calcaires à silex maëstrichtiens apparaît à l'Olette à la cote 960 m, laissant donc une place disponible pour un vallum terminal haut d'une quarantaine de mètres (vallum rissien car, bien évidemment, le glacier würmien n'est pas venu jusqu'ici). C'est ce vallum qui, selon nous, formait le barrage qui retenait le lac du Val de Lans et sur lequel, en toute logique, s'est construit Lans-en-Vercors. Au nord prend naissance la vallée du Furon, cependant qu'au sud, les alluvions postwürmiennes et récentes ont comblé l'ancien lac glaciaire et postglaciaire. Au nord de Lans-en-Vercors, la vallée du Furon montre encore deux embryons de barrages, vestiges sans doute de vallums terminaux de stades de retrait du glacier rissien, celui des Falcons (1012 m) et celui de l'Olette (1008 m). Mais c'est l'observation de la rive gauche du Furon, entre le hameau des Merciers et Lans qui va nous conduire au résultat le plus intéressant en nous fournissant un exemple particulièrement parlant de ce que nous avons appelé les plans d'épaulements. Le hameau des Merciers est construit sur un épaulement de la rive gauche du Furon qui s'étend de 1180m (rebord d'auge) à 1240m (sommet d'épaulement SE). Après l'échancrure du vallon de Chenevoye, l'arête descendue de la Montagne de la Graille porte elle aussi un épaulement dont le sommet se situe à 1250 m.
Au sud de l'arête de la Montagne de la Graille (voir photo précédente), une banquette doucement inclinée, longue de 4 km, s'étend jusqu'à Lans-en-Vercors.
Une pareille régularité est remarquable et tout à fait exceptionnelle ; elle est due à l'absence de tout vallon descendu de l'arête qui la domine. En effet, la présence de tels vallons - qui auraient abrité des glaciers de versant lors des glaciations - aurait découpé cette banquette en la transformant en une série d'épaulements séparés. Il est intéressant de comparer cette forme de relief avec la série d'épaulements de la rive droite de l'Eau d'Olle en amont d'Allemont ou encore avec une forme assez analogue de la rive gauche du glacier de l'Unteraar. Plus de renseignements à la page sur les plans d'épaulements. Le vallon du BruyantA mi-chemin entre Saint-Nizier-du-Moucherotte et Lans-en-Vercors, la falaise qui forme la rive droite des gorges du Furon est interrompue par le vallon du Bruyant, bien connu des promeneurs grenoblois. La disposition des lieux n'est pas sans rappeler celle de la Combe de la Jaille. Ici aussi, dans le haut du vallon du Bruyant, deux crêtes s'avancent l'une vers l'autre en arc de cercle, sensiblement au même niveau, de la Croix de Lichou (1109 m) jusqu'à Pierregraine (1135 m). De même qu'à la Combe de la Jaille, ce dispositif évoque à nos yeux un vallum terminal éventré par les eaux glaciaires et postglaciaires, mais il s'agit ici d'un glaciaire local, comme l'indique d'ailleurs la carte géologique au 1/50 000e Vif. Nous rejoignons cette conclusion, car les pentes qui, jusqu'au sommet du Moucherotte (1901 m), dominent le vallon du Bruyant, présentent bien la forme caractéristique d'un cirque glaciaire (pentes raides dominant un fond de cirque en pente plus douce). Nous proposons donc la chronologie suivante :
Tant pendant les glaciations qu'entre celles-ci, les eaux sous-glaciaires et postglaciaires auront tout loisir pour creuser le vallon du Bruyant.
ConclusionLes lignes qui précédent montrent tout l'intérêt que présente l'étude de ces diffluences : comme dans le cas de celles de Montaud, il est possible ici de distinguer l'œuvre des glaciers würmiens de celle de leurs prédécesseurs. Plus en amont dans les vallées, ceci devient de plus en plus difficile, les surfaces des glaces au cours des glaciations successives étant de plus en plus proches au fur et à mesure que l'on s'éloigne des fronts glaciaires. Elles permettent également d'apprécier l'efficacité de l'approche théorique, même appliquée à des masses de glace bien plus modestes que les immenses glaciers de vallées. |
|||||||||||||
Mise à jour le Lundi, 28 Janvier 2013 18:23 |