Cliquez sur ce bouton +1 pour dire à vos amis que cette page vous a plu.    

Qui est en ligne ?

Nous avons 12 invités en ligne

Fil RSS

Les paysages glaciaires Les paysages glaciaires

L'altitude des glaciers

Au Würm et au Riss

Les glaciers du Mindel

Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

  Certains mots à la signification spécifique sont écrits en bleu et soulignés en pointillés. Si vous laissez la souris dessus, une info-bulle affichera leur définition.

 
Le Fil des Eaux
Rôle des eaux glaciaires dans la formation des vallées en auge PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Samedi, 23 Janvier 2010 16:35

Version du 5 juillet 2017

Nous ne saurions trop recommander aux lecteurs attentifs, dont vous fait partie, bien entendu, de lire - ou de relire - avant cette page, celles consacrées aux modes d'érosion glaciaires et à l'écoulement des eaux glaciaires à l'intérieur d'un glacier de vallée, précaution cependant inutile si l'on a suivi jusqu'ici le Fil des Eaux.

Les vallées en auge

Les vallées glaciaires présentent souvent une section en auge, c'est-à-dire à fond plat et aux versants de pente soutenue, qui, si elle n'est pas de règle générale, se rencontre fréquemment dans les roches dures et homogènes. Les flancs des vallées sont marqués, de place en place, par des contreforts descendus des sommets latéraux. Dans de nombreux cas, ces contreforts présentent des parties de pente moins accusée, avant de se redresser vers les sommets. Ce sont des épaulements.

Profil d'une vallée glaciaire

Il est connu que les sommets des épaulements - ou les sommets des pommeaux dans le cas des épaulements à pommeau (type 2) - se situent, en règle très générale, quelques dizaines de mètres en dessous de l'altitude maximum atteinte par le glacier. Quant aux rebords d'auge, leur altitude par rapport à l'altitude du glacier est sujette à de grandes variations.

Les épaulements portent fréquemment de nombreuses formes d'érosion glaciaire ou des dépôts morainique.

Comment les actions érosives glaciaires aboutissent-elles à la formation d'un relief aussi caractéristique, qui ne se rencontre pas dans les vallées fluviales ?

L'abrasion par la glace n'a fait l'objet que d'études très parcellaires et il n'est pas démontré que cette action soit suffisamment intense pour creuser une vallée, encore moins pour lui donner une section en auge. Rejoignant une opinion assez répandue, nous estimons donc que l'action de la glace ne peut, à elle seule, expliquer toutes les particularités du relief des vallées glaciaires. Nous pensons que ces formes d'érosion sont dues essentiellement à l'action des eaux glaciaires.

Rappel des différents flux d'eaux glaciaires

Rappelons tout d'abord succinctement quels sont les différents flux d'eaux présents dans une vallée glaciaire, selon l'hypothèse de circulation exposée à la page sur l'écoulement des eaux glaciaires à l'intérieur d'un glacier de vallée qui figure en tête du Fil des Eaux. Nous avons distingué quatre flux d'eaux glaciaires :

    1. Celui des eaux glaciaires de surface, essentiellement composées des eaux de fonte de la glace de surface, qui circulent à la surface du glacier ou quelques dizaines de mètres sous celle-ci.

    2. Plus bas, les eaux glaciaires latérales. Les eaux de surface, en pénétrant l'intérieur du glacier par les moulins et fractures de la glace qu'elles rencontrent parviennent jusqu'à la surface d'écoulement intraglaciaire qui se situe en moyenne à environ 150 m de profondeur. En deçà, la glace devient imperméable. En suivant la pente de cette surface, sensiblement la même que celle du glacier, les eaux se réunissent alors et s'écoulent vers les versants. Quant elles les ont rejoint, on les nomme eaux glaciaires latérales.

    3. Plus bas encore, les eaux glaciaires profondes qui parviennent jusqu'au fond d'auge.

    4. Enfin, les eaux glaciaires de fond, qui s'écoulent sur celui-ci.

Erosion des flancs d'auge

Les eaux de fonte émises à la surface du glacier présentent un débit diffus, peu important et variable avec l'ensoleillement. Elles circulent à très faible profondeur. Comme indiqué plus haut, une grande partie de celles-ci pénètre à l'intérieur du glacier. Une autre partie, plus faible, rejoint les versants de la vallée où elles sont complétées par :

      • les eaux qui circulaient à l'air libre sur les versants au-dessus de la surface du glacier (ruisseaux, ruissellements, etc.),

      • les eaux de fonte des névés,

      • les eaux de source.

De par leur faible volume, leur action sur les parois de l'auge est donc très limitée, voire quasiment nulle sur des roches compétentes. Il n'y a que sur des terrains peu résistants à l'érosion qu'elles peuvent produire un certain effet. Nous citerons comme exemple les ravinelles du Mont de Rousse et les ravinelles de l'Espely.

Cet ensemble d'eaux de fonte, circulant contre les versants, emprunte un réseau de conduits, crevasses, moulins de rive et cheminements subhorizontaux, sujet à de constantes migrations dues à la mobilité du glacier. On conçoit que ces écoulements entraînent la formation sur la paroi d'un type spécial d'érosion que nous appellerons « érosion surfacique » et que nous retrouverons sur le fond d'auge au paragraphe suivant.

Conjointement, les eaux de surface qui ont pénétré le glacier atteignent, vers 150 mètres de profondeur, la surface d'écoulement intraglaciaire ; l'imperméabilité de celle-ci les empêchant de descendre plus profondément, elles s'écoulent alors sur cette surface, parallèlement à la surface du glacier jusqu'à rejoindre les flancs d'auge. Ce sont alors les eaux glaciaires latérales.

Le débit de ces eaux s'accroît au fur et à mesure de leur parcours, jusqu'à ce qu'elles rencontrent une zone de faiblesse le long du flanc d'auge, qui leur permet de descendre dans les profondeurs du glacier.

Nous pensons que ces zones de faiblesse se situent préférentiellement à l'aval des contreforts descendus des sommets latéraux à la vallée, par suite de la formation de cavités sous glaciaires comparable à celles que l'on a découvertes sur les fonds d'auge et que nous avons décrites à la page l'écoulement des eaux glaciaires à l'intérieur d'un glacier de vallée. Mais il existe parfois, ailleurs, d'autres zones de faiblesse qui permettront aux eaux glaciaires latérales de descendre dans les profondeurs du glacier, en utilisant également des conduits, dont la position varie sans cesse en fonction de l'avancée du glacier.

Nous pénétrons ici dans le domaine du troisième flux, celui des eaux glaciaires profondes. Elles aussi présentent un débit important, mais nous ne connaissons que peu de choses concernant leur capacité d'érosion. Nous pensons que les eaux glaciaires profondes doivent gagner le fond d'auge en circulant dans des conduits à dominante subverticale, dont la position varie également en fonction de l'avancée du glacier,  ce qui donne naissance, ici aussi, à une érosion surfacique.

Pour plus de renseignements à ce sujet, consulter la page sur l'écoulement des eaux glaciaires dans un glacier de vallée.

Erosion du fond d'auge

Nous sommes mieux renseignés sur la circulation des eaux sur le fond d'auge, tout au moins dans les dernières longueurs du glacier, sous une épaisseur de glace peu importante. Nous avons vu en effet que, parvenues sur le fond d'auge, les eaux glaciaires circulent dans de nombreux chenaux anastomosés, répartis sur toute la largeur du lit et dont la position fluctue sans cesse.

On voit sur cette photo que les canaux occupent toute la largeur du fond de l'auge.

Cette photo montre que des galets occupent encore les canaux qu'ils ont creusés. Les abrupts d'arrachement sont le signe que les actions exercées sur les crêtes qui sépare les canaux sont parfois violentes. Ils concourent à aplanir le fond de l'auge

Ces chenaux sont soumis à une érosion provoquée par des eaux très chargées et très abrasives, érosion qui s'exerce principalement sur leurs coudes (plus exactement dans la concavité de ces coudes), comme c'est d'ailleurs également le cas dans les tuyauteries de transport de boues industrielles, dont les coudes nécessitent des protections renforcées contre l'usure. Un phénomène analogue se retrouve, à plus grande échelle, dans les vallées fuviales, où les méandres du fleuve progressent vers l'aval, avant de se rejoindre par érosion de leurs parties concaves. Dans les deux cas, érosion fluviale et érosion glaciaire, le résultat est assez semblable : la migration des méandres finit par calibrer le lit majeur, qu'elle élargit et aplanit.

Sur le fond d'auge de la vallée glaciaire, les crêtes qui séparent les chenaux, amincies par l'érosion, finissent par être détruites. La totalité du fond d'auge se trouve ainsi soumis à une érosion surfacique, comparable à celles qui s'exercent, selon nous, sur les flancs d'auge.

On voit ici la profonde différence entre les modalités de circulation des eaux glaciaires sous la glace et celles des eaux torrentielles et fluviales en surface. Ces dernières, circulant à la pression atmosphérique, obéissent seulement à la gravité ; elles suivent donc la pente locale du terrain et ont donc tendance à se réunir, donnant ainsi des écoulements dont la position est stable. Il s'ensuit la création de formes d'écoulement de section en V. Par contre, les eaux glaciaires, contraintes par la présence de la glace, circulent dans des conduits dont la position varie sans cesse, ce qui donne naissance, nous l'avons dit à une érosion surfacique apte à engendrer des surfaces planes. De plus, l'érosion s'attaque en particulier aux parties concaves des chenaux situés sur chacun des bords de l'auge, contre les flancs de celle-ci, ce qui provoque une augmentation de la largeur du fond d'auge, qui entraîne à son tour un recul des parois.

Obtention de la forme en auge

Nous venons de voir que les flancs d'auge étaient soumis à  une érosion surfacique, créatrice de surfaces planes et qu'il en était de même sur le fond d'auge. Sur celui-ci, l'érosion s'attaque en particulier aux parties concaves des chenaux situés près des bords de l'auge, ce qui provoque une augmentation de la largeur du fond d'auge, qui entraîne à son tour un recul des parois.

Selon nous, toutes les conditions sont donc remplies pour qu'il se forme une auge glaciaire : l'érosion surfacique due à l'action des eaux de surface crée des surfaces planes et, la largeur du fond d'auge augmentant sans cesse, les flancs de l'auge tendent à devenir des surfaces verticales. Au fil du temps, le profil de la vallée glaciaire tend donc vers la forme d'une auge.

 

Objections

Pour être complet, il convient de signaler deux objections que l'on nous a faites à l'encontre du rôle important que nous attribuons aux eaux glaciaires dans le façonnement des reliefs glaciaires, en particulier des vallées en auge :

    • De telles érosions ne peuvent se produire que lorsque le débit des eaux glaciaires est suffisant, c'est-à-dire à une altitude assez faible.

      Or, si les belles auges glaciaires s'observent surtout en effet dans le bas des vallées, là où, précisément, l'action des eaux était la plus importante, il s'en rencontre également plus haut, enfouies encore parfois sous les glaces, par exemple dans le bassin de la Mer de Glace, au niveau du Tacul (2200 m) (Louis Reynaud 1991).

Réponse : si vous êtes parvenus ici en suivant le Fil des Eaux, vous aurez rencontré au passage la réponse à cette objection. Sinon, consultez la page sur la convergence des surfaces glaciaires en altitude et celle sur l'altitude d'apparition des eaux glaciaires.

    • On peut s'étonner que les parois d'une vallée en auge ne présentent pas de formes qui pourraient être attribuées indéniablement à des circulations d'eau.

Réponse : Le mode d'action de l'érosion surfacique sur ces parois, tel qu'il est exposé dans les lignes qui précédent, répond à cette objection ; Il aboutit en effet à la création de surfaces planes. Après disparition du glacier, seuls pourraient subsister les microreliefs créés en fin de glaciation.

Nous pensons que de telles formes, de petites dimensions, telles les marmites de géants, ont été effacées par le passage des glaces au cours du cataglaciaire. Nous en avons cependant trouvé quelques-unes sur certains cols de diffluence, épaulements ou verrous, soit précisément en des lieux qui furent rapidement délaissés par les glaces après le pléniglaciaire et où donc de telles traces de circulation d'eau ont pu subsister jusqu'à nos jours. Un exemple, le Pas d'Anna Falque (Massif du Pelvoux, Hautes-Alpes).

En conclusion

Il nous semble donc probable que la forme en auge des vallées glaciaires résulte essentiellement de l'action des eaux glaciaires, dont les modalités particulières de circulation ont exercé une érosion surfacique sur flancs et fond d'auge, donnant ainsi naissance à des surfaces planes.

Il faut toutefois bien garder à l'esprit que la montagne n'est pas un bloc homogène de pâte à modeler et qu'elle comporte des alternances de roches de duretés différentes. Le schéma théorique qui vient d'être exposé doit donc être interprété localement en fonction, tant de la nature des roches que de la tectonique, ce qui peut en atténuer l'aspect un peu trop géométrique.

Enfin, l'écoulement des eaux glaciaires a engendré la formation d'autres reliefs qui est décrite plus en détail dans les pages suivantes :

 

Continuer de suivre le Fil des Eaux.

 
Haut de page
 

Mise à jour le Vendredi, 05 Janvier 2018 16:04