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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Les ravinements du Mont de Rousse (suite) PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Dimanche, 29 Mars 2015 00:00

Version du 13 septembre 2015

Ecoulement des glaces et des eaux glaciaires sur le site du Mont de Rousse

Les cartes qui suivent ont été établies en tenant compte du modelé du terrain, en particulier des sites témoins qui s'y trouvent, représentés et décrits dans cette page. Les flèches indiquant la circulation des flux de glace sont de simples schémas qui ne préjugent pas de l'importance de ces flux.

Considérons à présent l'extension des glaciers lors de chacune des glaciations.

1. Pendant le Mindel

Au pléniglaciaire du Mindel, selon nos études (voir en particulier la page sur le glacier du Drac pendant le Mindel), le glacier du Drac s'élevait, sur le site considéré, à environ 1880 m d'altitude. D'autre part, sur le versant Nord du Gargas, le glacier de la Bonne atteignait, au même moment, du fait de sa largeur inférieure à celui du Drac, une altitude plus élevée, que la prise en compte de plusieurs sites témoins dans la vallée de la Bonne, ainsi que de celle des sites MR1 et MR2 nous permet d'évaluer à 2050 m. Le col d'Hurtières (1827 m) voyait donc passer, en direction du glacier du Drac, une diffluence épaisse de plus de 200 m.

Tout ce versant du Mont de Rousse se trouvait donc sous les glaces. Ceci est confirmé par les sites témoins MR1 et MR2, qui indiquent une altitude de glacier de 2040 m sur Côte Rouge ; seul émergeait de manière certaine le sommet du Gargas (2208 m). Quant à celui de Côte Rouge (2015 m), compte tenu de notre précision dans l'appréciation des altitudes, il pouvait s'agir d'un sommet jardin.

Le site MR6, au SE du Mont de Rousse, fournit une altitude de surface glaciaire de 1890 m sur ce sommet, très proche donc de l'altitude de celui-ci (1877 m). On peut remarquer aussi que ce sommet se situe à la rencontre de la diffluence par le col d'Hurtières avec le glacier de vallée du Drac, dont nos recherches précédentes ont montré que la surface s'élevait à environ 1880 m. À cette altitude de 1880 m, le glacier du Drac arrivait donc très sensiblement au sommet du Mont de Rousse (1877 m), qui était donc un sommet jardin.

 
Sur l'image ci-contre :

 

      • les sites témoins du Mindel sont représentés en rouge,

      • la codifications des sites témoins est suivie de l'altitude de la surface glaciaire qu'ils permettent de déterminer.

 

 

 

Les flèches indiquant la circulation des flux de glace sont de simples schémas

qui ne préjugent pas de l'importance de ces flux.
Les sites témoins du Mont de Rousse (Isère) au Mindel
Image sensible au passage de la souris
Représentation Bruno Pisano

La diffluence du col d'Hurtières

L'arête qui sépare le Gargas (2208 m) du sommet de Côte Belle (2027 m) voyait passer une diffluence N-S du glacier de la Bonne qui empruntait essentiellement le col d'Hurtières (1827 m), ainsi que ses abords immédiats. Sitôt franchi le col, les glaces de cette diffluence :

  1. descendaient vers le sud le vallon du Ruisseau de Boutière pour rejoindre le glacier du Drac.

  2. mais aussi, juste après avoir franchi le col, s'étalaient vers l'ouest en une nouvelle diffluence par le col de Lière (1917 m).

Une partie descendait le vallon du Ruisseau de l'Alpe vers le nord-ouest en y créant le sommet d'épaulement MR1 à 1990 m sur le flanc nord-est de Côte Rouge, tandis qu'une autre contournait Côte Rouge par le nord, en y engendrant le sommet d'épaulement MR2, également à 1990 m. Ces deux sommets d'épaulement nous indiquent donc tous deux une surface glaciaire à 2040 m sur Côte Rouge. À une distance aussi faible du col d'Hurtières, on peut estimer à 2050 m l'altitude de la surface glaciaire sur ce col et donc à 220 m l'épaisseur de glace de la diffluence.

En conclusion, on peut dire qu'au pléniglaciaire du Mindel, tout le versant qui nous intéresse dans cette page était noyé sous les glaces : celles du Drac jusqu'à 1880 m d'altitude et, plus haut, celles de la diffluence du glacier de la Bonne qui empruntait le col d'Hurtières. Avec ses 2208 m, le Gargas était le seul sommet à dépasser franchement de la surface glaciaire. Ses voisins, Côte Rouge (2015 m) et le Mont de Rousse (1877 m) affleuraient la surface du glacier. Côte Rouge était sans doute un sommet-jardin, ainsi que le confirme la photo suivante, prise depuis le Mont de Rousse, où l'on peut remarquer sa forme allongée.

Le sommet de Côte Rouge (2015 m) en Isère

À l'ouest du col d'Hurtières, la surface du glacier de la Bonne s'abaissait d'une centaine de mètres, entre le col et le Colombier, si l'on adopte une pente de surface glaciaire logique pour une vallée large de 4 km comme celle de la Bonne. L'arête de Côte Belle (2027 m) au Colombier (1948 m) se situait donc à peu près au niveau du glacier, sans qu'il soit possible d'être plus précis. La glace pouvait utiliser des points bas dans cette arête, par lesquels elle pouvait se déverser sur son versant sud-ouest. Ces déversements ne s'accompagnaient pas du passage d'eaux glaciaires, qui s'écoulaient beaucoup plus bas, versant Bonne, aux environs de 1900 m. Ils n'ont donc pas laissé de traces dans le versant du Drac.

Cheminement des eaux glaciaires au cours du Mindel

Rappelons que les eaux glaciaires étaient absentes au moment du pléniglaciaire, compte tenu du climat à ce moment. Mais plus tard, au cours du cataglaciaire, lorsque le climat s'était suffisamment réchauffé, elles prenaient naissance et ceci sensiblement à l'altitude atteinte lors du pléniglaciaire. C'est alors, pensons-nous, qu'elles se sont attaquées au relief, créant par exemple les épaulements. On trouvera plus de détails sur cette question importante à la page sur la convergence de l'altitude des surfaces glaciaires dans le haut des vallées.

Nous avons montré dans d'autres pages de ce site que les eaux glaciaires d'un glacier de vallée coulaient contre les parois à une profondeur de 100/150 m sous la surface, jusqu'à ce qu'elles rencontrent une possibilité de descente vers les profondeurs du glacier.

L'épaisseur de la diffluence au-dessus du col d'Hurtières étant supérieure à 150 m, les eaux glaciaires latérales de la rive gauche du glacier de la Bonne pouvaient franchir le col et descendre la vallée du Ruisseau de Boutière. Au passage, elles ont donné naissance sur le versant est de Côte Rouge au petit ravinement de Boutière, qui culmine à 1920 m, soit 120 m sous la surface de la glace sur Côte Rouge, ce qui fournit une confirmation, si besoin en était, de notre fourchette de 100/150 m.

Plus bas, les eaux glaciaires de la diffluence du col d'Hurtières rejoignaient celles du glacier du Drac qui s'écoulaient vers 1730/1780 m.

Bien entendu, ultérieurement, au cours du cataglaciaire du Mindel, au fur et à mesure que la surface des glaciers s'abaissait, l'altitude où s'écoulaient les eaux glaciaires diminuait également.

2. Pendant le Riss

Sur l'image ci-après, qui illustre les lignes qui vont suivre :

      • les sites témoins du Riss sont représentés en bleu,

      • les appellations des sites sont suivies par l'altitude de la surface glaciaire qu'ils permettent de déterminer.

Les sites témoins du Mont de Rousse (Isère) au RissReprésentation Bruno Pisano

Pendant cette glaciation, selon la carte qui figure à la page sur la vallée du Drac, le niveau des glaces s'établissait, au pléniglaciaire, approximativement à 1500 m dans les environs du Mont de Rousse.

Ceci peut sembler en contradiction avec la convergence des altitudes atteintes par les glaciers dans le haut des vallées. Il n'en est rien, car, au cours du Riss, le glacier de la Bonne, dont l'altitude sur le col d'Hurtières était nettement inférieure à celle de l'appareil mindelien, n'émettait pas de diffluence par ce col. Un glacier local, que nous appellerons glacier de Côte Belle / Côte Rouge, existait cependant dans le haut de la vallée du Ruisseau de l'Alpe ; il couvrait les pentes de Côte Belle (2027 m) et de Côte Rouge (2015 m) et, plus bas vers le nord-ouest, confluait avec celui du Drac, à une altitude proche de 1500 m.

Il en résulte que, dans ses parties les plus élevées, ce glacier local rissien, dont l'altitude était inférieure à celle de son prédécesseur mindelien, a créé ses propres sites témoins, en particulier les sommets d'épaulement.

En dehors de ce glacier de Côte Belle / Côte Rouge, la région du Mont de Rousse n'était donc soumise qu'à la pénétration des glaces du glacier du Drac et, par le col de Parquetout (1398 m), de celui de la Bonne. Enfin, son éloignement des glaciers du Gargas et du Grand Chapelet la mettait à l'abri de la pénétration de leurs flux de glace, à l'exception peut-être d'une langue glaciaire par le col de Chauvet.

La diffluence du glacier de la Bonne par le col de Parquetout au pléniglaciaire rissien

Voici une carte de situation du col de Parquetout et de ses environs. La Crête de la Sciau, qui court sur 2600 m à l'ouest du col de Parquetout, va nous permettre d'évaluer les aractéristiques de cette diffluence.

Les environs du col de Parquetout en IsèreReprésentation Bruno Pisano

La photo suivante montre le sommet du Plainet, au premier plan, puis le Haut Col (avec sa bergerie). A droite cette Crête de la Sciau émergeant des nuages. Le sommet culminant au centre de la crête est la Croix de la Roche (1490 m). Tout à droite, la Montagne de Roussillon (1661 m).

La crête de la Sciau entre Bonne et Drac (Isère)

Quelle était l'altitude de surface du glacier de la Bonne par le travers du col de Parquetout ?

Pour la déterminer, on peut tout d'abord utiliser la présence de blocs erratiques à proximité immédiate du col, blocs déjà signalés par G. Monjuvent. Cet auteur avait en effet noté la présence de tels blocs erratiques à une altitude de 1320 m au col de la Chainelette. Mais ceci ne fournit qu'une altitude a minima de la surface glaciaire, car ces blocs ont pu avoir été transportés, non sur le sommet de la moraine, mais sur ses flancs ou encore déposés lors d'un stade de retrait.

Nous utiliserons plutôt l'existence des deux sites témoins suivants, extraits du tableau général.

Repère

Situation

Type

Glaciation

Altitude

(m)

Altitude

surface
glacier
(m)

Altitude

circulation
des eaux
(m)

Coordonnées

géographiques

MR8

Arête N Mont de Rousse

SE

Riss

1550

1600

1450/1500

5° 55' 43

44° 52' 24

BO1

Arête SW Montagne de Roussillon

SE

Riss

1570

1620

1470/1520

5° 52' 42

44° 54' 23

 

Selon le site témoin MR8, l'altitude du glacier de la Bonne était ici, exactement au-dessus du col de Parquetout, de 1600 m - altitude confirmée par celle de 1620 m indiquée par le site BO1 situé, rive droite de la Bonne, 4 km en aval du col. Sur celui-ci, les eaux glaciaires latérales de la rive gauche de la Bonne coulaient donc entre 1450 et 1500 m, alors que le col (1398 m) voyait passer une diffluence épaisse de près de 200 m.

Les eaux glaciaires latérales de cette diffluence, qui s'écoulaient au plus bas à 1450 m, donc une cinquantaine de mètres au-dessus du sol, quittaient donc ici la vallée de la Bonne en direction du sud, mais sans rentrer en contact avec le sol. Elles n'ont donc laissé aucune trace sur le col de Parquetout lors du pléniglaciaire, le ravin de Blache Longe, au sud du col, ayant été creusé au cours du cataglaciaire, lorsque le niveau du glacier de la Bonne, et donc celui de ses eaux glaciaires s'était suffisamment abaissé.

A l'ouest du col de Parquetout, la Crête de la Sciau, une épaule glaciaire typique, voyait donc passer, dans le sens nord-sud, une diffluence épaisse de 200 m, voire même 240 m sur ses points bas, trop épaisse pour que ses eaux glaciaires puissent entrer en contact avec le relief. Ce n'est qu'au cours du cataglaciaire qu'elles ont pu déposer sur ces points bas les terrains glaciaires, couverts à l'heure actuelle de prairies, d'ailleurs indiquées comme tels sur la carte géologique.

Voici par exemple la plus occidentale de ces prairies, qui culmine à 1420 m d'altitude, au-dessus du Grand Clos, à l'ouest du sommet de la Croix de la Roche.

Un collet de la crête de la Sciau entre Bonne et Drac (Isère)

Nous considérerons donc que le glacier rissien s'élevait, au pléniglaciaire, à 1640 m sur le col de Parquetout. Plus en aval sur la Bonne, le site témoin BO1, sur l'arête sud-ouest de la Montagne de Roussillon, nous indique que l'altitude du glacier de la Bonne était de 1620 m à l'endroit où la vallée s'élargissait avant de confluer avec celle du Drac. De là, le glacier de la Bonne s'abaissait pour rejoindre celui du Drac vers 1500 m.

La glace de la diffluence du glacier de la Bonne par le col de Parquetout descendait vers le sud le vallon de Blache Longe pour rejoindre le glacier de vallée du Drac. Au passage, ce flux de glace émettait une diffluence au-dessus de l'arête ouest du Mont de Rousse, créatrice de deux sommets d'épaulement, celui du Plainet (1567 m) et celui du Haut Col (1525 m). Ces deux valeurs très proches montrent que ces deux épaulements étaient noyés sous une surface continue de glace, d'altitude 1620 m environ, tout à fait compatible avec la valeur de 1640 m au col de Parquetout.

On retiendra qu'au pléniglaciaire rissien, la surface de la glace qui occupait le versant sud-ouest du Mont de Rousse, s'élevait à 1620 m environ sur le Plainet. Le flux d'eaux glaciaires correspondant s'écoulait donc 50 à 150 m plus bas, entre 1470 m et 1570 m. Voir à ce sujet notre page sur l'écoulement des eaux glaciaires.

Construite grâce aux sites témoins, la carte suivante nous permet de tracer la circulation des flux de glace lors du Riss. Elle nous permettra, dans la suite de cette page, d'expliquer comment se sont formés certains des ravinements du Mont de Rousse.

Circulation des glaces dans les environs du Mont de Rousse en IsèreReprésentation Bruno Pisano

3. Pendant le Würm

Rappelons que, lors de cette glaciation le glacier de vallée du Drac, grossi par une diffluence du glacier de la Durance relativement modeste passant par le col Bayard, ne s'étendait pas jusqu'ici, car son front se situait dans les environs de Saint Bonnet en Champsaur beaucoup plus en amont de la vallée.

Ainsi que nous le verrons plus loin, le glacier local descendant de Côte Belle et de Côte Rouge, n'a laissé aucune trace de son passage, des dépôts glaciaires par exemple. Toutefois, les eaux de fonte de ce glacier local s'écoulaient sur le relief jusqu'à rejoindre le cours du Drac et nous en reparlerons plus bas. On verra, quelques lignes plus loin, que des présomptions basées sur l'existence des ravinelles septentrionales et sur celle des talus nous incitent à penser que le glacier würmien de Côte Belle / Côte Rouge est descendu aussi bas dans le versant que son homologue rissien.

Formation des différents types de ravinements

Voyons enfin comment l'utilisation de deux règles définies à la page sur l'écoulement des eaux glaciaires d'un glacier de vallée permet d'expliquer la quasi totalité des formes rencontrées sur ce site du Mont de Rousse.

Rappelons ces règles :

      • la règle des 50 m : la surface d'un glacier dépasse de 50 m environ celle des sommets des épaulements qu'il a engendrés,

      • la règle des 50/150 m : les eaux glaciaires latérales d'un glacier de vallée s'écoulent contre ses versants à une profondeur variable entre 50 m et 150 m sous la surface de ce glacier.

 

De plus, la fonte des couches supérieures de glace, juste sous la surface glaciaire, donnait naissance à des flux d'eau, dites eaux de surface, qui s'écoulaient, contre le versant, avant de rejoindre plus bas les eaux glaciaires latérales.

Comment se sont formés les ravins du Bois du Ser et de Guéria

La carte suivante montre le cheminement des glaces dans le secteur du Mont de Rousse au pléniglaciaire du Mindel et au début de son cataglaciaire, alors que, le climat s'étant réchauffé, le glacier froid était devenu un glacier tempéré tout en gardant son altitude. Voir à ce sujet la page sur la convergence des altitudes glaciaires dans les parties hautes des vallées.

Comme nous l'avons dit plus haut, au pléniglaciaire du Mindel le glacier du Drac s'élevait à 1880 m environ sur le Mont de Rousse et recouvrait donc toute cette région. Le glacier de la Bonne contribuait à cet englacement par une diffluence passant par le col d'Hurtières. Seuls émergeaient le sommet du Gargas (2208 m) et, probablement, celui de Côte Rouge (2015 m). La glace arrivait très sensiblement au sommet du Mont de Rousse (1872 m).

La figure ci-dessous montre la progression des glaces du Drac ainsi que celles de la Bonne provenant de la diffluence du col d'Hurtières.

Les flèches indiquant la circulation des flux de glace sont de simples schémas

qui ne préjugent pas de l'importance de ces flux.

L'englacement de la région du Mont de Rousse au Mindel

Image sensible au passage de la souris
Représentation Bruno Pisano

Écoulement des eaux glaciaires des glaciers de versant au pléniglaciaire du Mindel

La surface de la glace s'élevait, nous l'avons vu, à 2050 m environ sur le col d'Hurtières, avant de s'abaisser vers le sud jusqu'à rejoindre le glacier du Drac, vers 1880 m.

Mais c'est le trajet des eaux glaciaires qui nous paraît présenter le plus grand intérêt. Sur la carte ci-dessous, les flèches bleu foncé montrent l'écoulement des eaux glaciaires des glaciers de versant contre les pentes. Ces eaux glaciaires coulent 150 m en dessous de la surface des glaciers, soit entre l'altitude de 1900 m vers le col d'Hurtières et celle de 1730 m, lorsqu'elles rejoignent celles du glacier du Drac. Trois emplacements sont particulièrement intéressants, indiqués par A, B et C sur la carte ci-dessous :

Les flèches indiquant la circulation des flux de glace sont de simples schémas

qui ne préjugent pas de l'importance de ces flux.
Les eaux glaciaires au Mindel vers le Mont de Rousse en IsèreReprésentation Bruno Pisano
      • Tout d'abord en A, les eaux glaciaires s'écoulant par le col de Lière puis le col Nodry ont sculpté le sommet d'épaulement MR6 sur le Mont de Rousse à une altitude de 1790 m (voir le tableau des sites témoins) avant de rejoindre celles du Drac, qui coulaient vers 1730 m. Cette confluence d'eaux glaciaires donne donc naissance ici à un ravinement du type B, à une altitude proche de 1730 m. Le report sur les vues aériennes de Geoportail montre qu'il s'agit du ravin du Bois du Ser, qui naît en effet à 1726 m et par lequel les eaux glaciaires rejoignent le talweg.

      • Plus loin, en B, les eaux glaciaires du versant sud-est du Mont de Rousse rejoignaient à leur tour celles du Drac, créant ainsi un deuxième ravinement du type B, qui naît à une altitude légèrement inférieure à celle du ravin du Bois du Ser, le niveau du glacier de versant étant ici légèrement inférieur. Il s'agit donc du ravin de Guéria, qui culmine à 1720 m et par lequel les eaux glaciaires rejoignent le talweg.

      • Enfin, en C, les eaux glaciaires du versant est de Côte Rouge se joignaient à celles du Drac, également à une altitude proche de 1730 m. Un troisième ravinement du type B prend donc naissance ici, à l'emplacement et l'altitude où naît le ravin de Combe Male (1750 m), dont nous parlerons plus loin.

Nous pensons donc pouvoir attribuer aux eaux glaciaires du Mindel la création de ces trois ravins. La responsabilité du Riss dans cette création ne peut être envisagée car, lors de cette glaciation, l'altitude des glaciers était inférieure à celle qu'ils atteignaient lors du Mindel. Les eaux glaciaires de cette glaciation constituent donc la seule provenance possible pour un débit d'eau susceptible d'avoir créé de tels ravins.

Ces trois ravins sont les seules formes de relief que nous pensons pouvoir attribuer à l'action des glaciers du Mindel. Les autres éléments de relief se sont formés ultérieurement lors du Riss et du Würm.

Comment se sont formés les ravins du Haut Col et du Plainet

Nous avons dit plus haut que, au pléniglaciaire du Riss, le glacier de la Bonne envoyait une diffluence au-dessus du col de Parquetout. Ce flux de glace émettait lui-même, au-dessus de l'arête ouest du Mont de Rousse, une autre diffluence créatrice des deux sommets d'épaulement du Plainet (1567 m) et du Haut Col (1525 m). Ces deux valeurs très proches montrent que ces deux épaulements étaient noyés sous une surface continue de glace, d'altitude 1620 m environ. L'épaisseur de la glace au-dessus du Plainet était donc de 50 m environ, alors qu'elle est de près de 100 m au-dessus du Haut Col.

Il résulte de ces valeurs que le Plainet ne voyait passer qu'un débordement ponctuel, générateur d'un faible flux d'eau, alors que le franchissement de la glace sur le Haut Col s'accompagnait du passage d'eaux glaciaires latérales avec un débit beaucoup plus important.

Le passage de ces deux flux d'eau a, sur les versants sud des deux épaulements, donné naissance à deux ravins d'importances inégales :

      • celui qui naît au Haut Col est le plus important,

      • celui du Plainet étant beaucoup moins marqué.

La photo qui suit montre que la différence dans la taille des ravins reflète bien celle entre les débits des eaux qui les ont parcourus.

Les ravins du Haut Col et du Plainet sous le Mont de Rousse

Cette photo montre le sommet du Plainet, au premier plan à droite, puis le Haut Col (avec sa bergerie).

Les ravinelles de la zone septentrionale

La zone des ravinelles septentrionales est située sur le versant sud-ouest du Mont de Rousse au-dessus du Champ du Rif. Le sommet des ravinelles se situe en moyenne à 1586 m. Or cette altitude est, à quelque mètres près, celle de surface du glacier qui, au pléniglaciaire du Riss, venait de franchir l'épaulement Haut Col/Plainet. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, elle était voisine de 1600 m, comme l'indique le site MR8. Nous attribuons la création de ces ravinelles à l'action des eaux glaciaires de surface dont il a été question précédemment.

Il peut sembler toutefois difficile de penser que des formes aussi superficielles puissent dater du Riss. La conclusion qui nous semble la plus probable est que, par suite de la convergence des surfaces glaciaires, le glacier würmien s'est élevé ici à la même altitude que son homologue rissien.

Bien que de telles ravinelles soient relativement rares, nous en avons rencontré ailleurs dans le domaine étudié. Dans le cas des ravinelles des Chèneviers et de l'Espely (Baronnies, Drôme), des conclusions analogues nous ont montré que le glacier qui , pendant le Würm, occupait cette partie des Baronnies était descendu à la même altitude (1200 m) que son homologue rissien.(Page en préparation)

La zone méridionale de ravinelles

Les sommets des ravinelles méridionales se situent à 1580 m environ, c'est-à-dire sensiblement à la même altitude que les ravinelles de la zone septentrionale et, comme celles-ci, elles prennent naissance à la partie supérieure de prairies révélatrices d'un terrain glaciaire. Notre conclusion sera donc la même que celle qui s'applique aux ravinelles de la zone septentrionale.

Comment se sont formées les ravines du Champ du Rif

Ces ravines, dont la plus remarquable est la ravine ouest, prennent naissance entre 1560 m et 1600 m. Nous attribuons donc leur formation à la fonte de la glace de la diffluence rissienne du Haut Col / Plainet.

Comment se sont formés les clapiers

La carte géologique montre que la zone des clapiers se situe à l'emplacement d'un lambeau de moraine fixe rissienne (Gx). Mais celle-ci culmine à 1380 m d'altitude, valeur inférieure à celle que nous avons trouvée pour la moraine du glacier du Drac au pléniglaciaire du Riss et qui était ici, rappelons-le, de 1500 m. L'érosion subie depuis le Riss a-t-elle été suffisament importante pour expliquer à elle seule une pareille différence ? La réalité nous paraît être plus complexe.

Au pléniglaciaire du Riss, le glacier du Drac s'élevait ici à 1500 m environ. Le glacier de Côte Belle/Côte Rouge, qui occupait le versant, confluait ici avec lui à cette altitude. Leur confluence empêchait la formation d'une moraine fixe. Mais, au cours du cataglaciaire, l'afflux des glaces de Côte Belle ayant diminué, les deux glaciers se sont séparés. Celui de Côte Belle/Côte Rouge, plus réactif aux variations climatiques que celui du Drac, a reculé le premier. Le glacier du Drac pouvait alors déposer une moraine fixe, à un niveau quelque peu inférieur à celui atteint lors du pléniglaciaire. Une confirmation est d'ailleurs apportée par un lambeau du même terrain Gx situé à quelques kilomètres plus au sud, sur le versant est de Peyrargue et qui culmine à l'altitude de 1428 m, soit 70 m en dessous du niveau du pléniglaciaire.

Nous avons rencontré des processus semblables à d'autres endroits du glacier du Drac, où, là aussi, des terrains morainiques culminent à des altitudes inférieures à celle atteinte par les glaciers du pléniglaciaire.

      • Le premier exemple se situe, au Würm, à la confluence du glacier du Haut Drac avec la diffluence du glacier de la Durance passant par le col Bayard. À cet endroit s'est formée la remarquable moraine d'Ancelle, d'altitude légèrement inférieure à celle atteinte par le glacier du Drac au pléniglaciaire. En effet, cette moraine ne date pas de ce pléniglaciaire, car aucune moraine fixe ne pouvait se déposer ici à ce moment du fait de la confluence des deux glaciers. La moraine d'Ancelle s'est donc formée au cataglaciaire, lorsque possibilité lui en a été donnée par la diminution du flot de glace provenant de la Durance. Voir à ce sujet notre page sur le glacier du Drac.

      • Un second exemple du même processus est fourni, pendant le Riss cette fois, plus en aval dans le cours du Drac, par la moraine de Cholonge, située à la confluence du glacier du Drac avec celui de la Romanche. Cette moraine, elle aussi, culmine légèrement plus bas que la surface glaciaire du glacier de la Romanche au pléniglaciaire du Riss et ceci pour les mêmes raisons. Voir à ce sujet notre page sur la moraine de Cholonge.

La moraine a certainement subi de plus une érosion qui sera décrite au paragraphe suivant. Quoi qu'il en soit, une moraine ne constitue un terrain cultivable que si les éléments rocheux n'y sont pas trop nombreux. C'est pourquoi, depuis des générations, les paysans se sont employés à les déplacer en formant ces clapiers. On notera qu'il s'agit là de la seule forme d'érosion anthropique que nous ayons rencontrée.

Comment se sont formés les talus

Ces talus ne sont, eux, certainement pas d'origine anthropique car, d'une part, ils ne présentent aucune trace de construction, en pierre sèche par exemple et, d'autre part, leur utilité n'est pas évidente : ils n'ont pas été créés pour retenir les terres, ni pour assurer une évacuation des eaux et, si certains d'entre eux ont pu être utilisés comme limites de propriétés, ce n'est pas le cas pour tous.

Ils naissent à des cotes comprises entre 1320 m et 1460 m et se terminent vers 1310 m à 1410 m. Ces altitudes les situent au-dessus de la zone des clapiers. La grande majorité des talus présente une pente légère dirigée vers le sud-sud-est, en sens inverse de celle du glacier du Drac. Certains sont horizontaux mais aucun n'est ascendant.

Ces caractéristiques nous incitent à penser qu'il s'agit là d'une formation que, ailleurs dans notre site, nous avons appelée broue. Ce sont de petites banquettes, souvent groupées, allongées dans le sens de la marche d'un glacier et qui ont été formées lors de stades de recul.

Les broues que nous avons rencontré à d'autres endroits dans le domaine étudié présentent toutes des largeurs de quelques mètres, et leur longueur atteint couramment plusieurs centaines de mètres. Les broues se raccordent insensiblement aux prairies qui les dominent, alors qu'elles dominent par des talus en pente raide, hauts de quelques mètres, les prairies situées sous elles. Nous citerons par exemple, celles rencontrées sur le versant nord du col de Plan Collet (Oris en Ratier, Isère), ou dans la vallée de l'Isère, près du col de Merdaret, ou encore près du col des Prés de Fromage (Queyras, Hautes Alpes), où une broue s'allonge sur plus d'un kilomètre.

Dans tous les cas, les talus qui soutiennent ces broues présentent le même aspect de fraîcheur que ceux du Mont de Rousse, ce qui indique clairement qu'ils ont été créés au cours du Würm.

Pendant cette glaciation, le glacier du Drac ne s'étendait pas jusqu'ici, mais se terminait vers Saint Bonnet en Champsaur (Hautes-Alpes). Les pentes du Mont de Rousse étaient occupées par le glacier de Côte Belle / Côte Rouge qui confluaient ici, nous l'avons dit, avec celui du Drac. Lorsque, au cataglaciaire würmien, ce glacier de Côte Belle / Côte Rouge a commencé à reculer, sa langue terminale, s'appuyant sur la moraine rissienne du glacier du Drac, s'étendait vers le sud-sud-est. C'est donc au cours de stades de recul que, selon nous, se sont formées les broues ainsi que les talus qui les limitent, qui s'allongent également dans cette direction.

 
La zone des talus du Mont de Rousse en IsèreImage sensible au passage de la souris
 

Autre ravinements proches du Mont de Rousse

Répétons ce que nous disions plus haut : l'épaisseur de la diffluence au-dessus du col d'Hurtières étant supérieure à 150 m, les eaux glaciaires latérales de la rive gauche du glacier de la Bonne pouvaient franchir le col sans prendre contact avec le sol, après quoi elles empruntaient la vallée du Ruisseau de Boutière. Au passage, elles ont donné naissance, sur le versant est de Côte Rouge, au ravinement de Boutière, qui culmine à 1920 m, soit 120 m sous la surface de la glace sur Côte Rouge, ce qui fournit une confirmation, si besoin en était, de notre fourchette de 50/150 m.

Enfin, nous avons montré plus haut que le ravinement de Combe Male, à l'extrémité de l'arête SSE de Côte Rouge, était également une création du Mindel.

Sans les avoir étudiés en détail, citons enfin :

      • Sur la face sud du Chauvet, les ravinements de la Côte Olagnière.

      • Un peu plus loin vers le sud-est, les très importants ravinements de Peyrargue, que l'on peut dater du Riss. Ils nous fournissent une version locale d'un savoureux vocable gastronomique, puisque certains d'entre eux portent le nom de « ravioles ».

      • Enfin nous terminerons en mentionnant, passé Corps, les ravinements de la Pointe de Rogne.

En conclusion

Cette page nous paraît constituer un bon exemple de responsabilité des glaciers quaternaires dans la formation des paysages de montagne.

Les ravinelles, en particulier, constituent une forme de relief que nous avons rarement rencontrée. Tout récemment toutefois, nous avons identifié un site qui comporte un nombre de ravinelles plus important encore que celui du Mont de Rousse et qui se situe dans la Forêt Domaniale des Baronnies (Drôme) (en cours d'étude).

On peut s'étonner que des formes de dimensions aussi faibles aient pu résister aux érosions qui se sont exercées depuis le Würm. On trouvera une réponse à cette question à la page sur la convergence de l'altitude des surfaces glaciaires dans le haut des vallées.

 

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Mise à jour le Jeudi, 01 Octobre 2015 17:59