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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Questions et réponses PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Lundi, 14 Novembre 2011 19:52
Version du 16 novembre 2013

Certains lecteurs admettent avec difficultés trois points essentiels de notre étude :

  • Premier point : "Certes, les Alpes ont connu, avant le Riss, des glaciations d'importance comparable, voire même plus importantes. Mais vos observations vous permettent-elles de soutenir que leurs glaciers pouvaient s'élever plusieurs centaines de mètres plus haut que leurs homologues rissiens ? ",

  • Deuxième point : "Vous imputez la formation des épaulements à l'action des eaux glaciaires coulant à une faible profondeur (50 à 100 m) sous la surface du glacier. Cela n'est pas avéré, donc la relation entre l'altitude d'un sommet d'épaulement et celle de la surface du glacier n'est pas prouvée",

  • Troisième point : "Vous citez, parmi les formes dues aux glaciers que vous datez de cette époque reculée, des atteintes superficielles telles que les ravinements et les chalanches. Ceci est-il basé sur un nombre suffisant d'observations ? Il nous paraît d'autre part très improbable que ce type de relief ait pu subsister pendant les centaines de milliers d'années écoulées depuis ces glaciations anciennes".

Rappelons d'abord que nous appelons "glaciations anciennes" les glaciations quaternaires antérieures au Riss.

Répondons ensuite au premier point

"Certes, les Alpes ont connu, avant le Riss, des glaciations d'importance comparable, voire même plus importantes. Mais vos observations vous permettent-elles de soutenir que leurs glaciers pouvaient s'élever plusieurs centaines de mètres plus haut que leurs homologues rissiens ? "

Notre méthode de détermination de l'altitude atteinte par les glaciers de vallée lors des anciennes glaciations - et en particulier lors du Mindel - est basée sur l'utilisation de sites témoins, au premier rang desquels figurent les sommets d'épaulements. On sait que l'altitude d'un sommet d'épaulement est liée à celle du glacier qui parcourait la vallée. Notre méthode peut être considérée comme la réciproque de cette constatation.

Encore faut-il, dira-t-on, qu'un glacier ait existé dans cette vallée. On verra, à la page sur le Paillon, ce qu'il en est dans une vallée qui n'a jamais connu les glaciers. De plus, l'origine indéniablement glaciaire de quelques sites témoins permet parfois des recoupements avec les résultats fournis par la règle des sommets d'épaulements. On a pu voir, au fil de ces pages, que les résultats obtenus dans divers massifs ou vallées étaient homogènes entre eux : c'est le cas du Dauphiné (Vercors, Grande Chartreuse et massifs environnants) ou encore des vallées de la Roya, de la Bévéra et du Paillon associés à la Vésubie. Toutes ces études conduisent à des altitudes des glaciers de vallée antérieurs au Riss supérieures de quelques centaines de mètres à celles qu'ils atteignaient pendant cette glaciation. Ce résultat nous paraît admissible, surtout si l'on tient compte des surélévations probables du terrain par les mouvements orogéniques et du rebond glacio-isostatique depuis ces glaciations anciennes.

Que penser maintenant du deuxième point ?

"Vous imputez la formation des épaulements à l'action des eaux glaciaires coulant à une faible profondeur (50 à 100 m) sous la surface du glacier. Cela n'est pas avéré, donc la relation entre l'altitude d'un sommet d'épaulement et celle de la surface du glacier n'est pas prouvée"

L'intervention des eaux glaciaires est une hypothèse, que l'on pourra ou non admettre, mais qui n'est pas indispensable à notre démonstration. Il s'agit tout simplement de la réciproque à l'observation bien connue que les glaciers sont susceptibles de créer des épaulements dont les sommets se situent quelque dizaines de mètres en dessous de leur surface. Celle-ci résulte tout simplement de la remarque que, si les glaciers sont susceptibles de créer des épaulements dont les sommets se situent quelque dizaines de mètres en dessous de leur surface, en réciproque la présence d'épaulements - tout au moins de certains d'entre eux - prouve la présence de glaciers dont la surface se situait quelques dizaines de mètres au-dessus de leurs sommets.

L'observation que l'altitude d'un épaulement est liée à celle du glacier qui lui a donné naissance est donc indépendante de l'hypothèse que l'on peut faire sur la façon dont ces épaulements ont été créés.

Si nous pensons que l'altitude d'un épaulement est liée à celle du glacier qui lui a donné naissance, ceci ne résulte pas d'une hypothèse sur la façon dont ces épaulements ont été créés.

Passons au troisième point, le plus délicat

"Vous citez, parmi les formes dues aux glaciers que vous datez de cette époque reculée, des atteintes superficielles telles que les ravinements et les chalanches. Ceci est-il basé sur un nombre suffisant d'observations ? Il nous paraît d'autre part très improbable que ce type de relief ait pu subsister pendant les centaines de milliers d'années écoulées depuis ces glaciations anciennes"

Ce point ne porte pas sur l'existence ni sur l'altitude des anciens glaciers, mais seulement sur leur relation avec une forme très répandue en montagne, les ravinements (ravines, ravins, chalanches ainsi que versants d'érosion). Nous avons remarqué en effet, nous l'avons dit à la page sur les épaulements, que ceux-ci s'accompagnaient souvent de la proximité de ravinements. En voici quelques exemples :

Le ravin de Barri dans le Vercors (Isère)
Image sensible au passage de la souris
  • Le ravin de Barri, une gigantesque chalanche.

Au pléniglaciaire de la glaciation maximum, le Mindel, le glacier du Grand Veymont affleurait la crête de la Quinquambaye (dans le ciel), derrière laquelle il s'écoulait. A ce moment, les eaux glaciaires de sa rive droite se déversaient en grande partie par la brèche que l'on distingue à l'extrême gauche de la crête et qui marque le sommet de l'épaulement sur cette arête nord-est du Petit Veymont.

Puis, au fur et à mesure du retrait des glaciers, le point de franchissement de la crête s'est situé de plus en plus bas sur celle-ci. Au fil des millénaires, ces eaux glaciaires ont donné naissance au ravin de Barri. Bien entendu, celui-ci a été ultérieurement repris et remodelé par l'érosion régressive postglaciaire.

  • Le versant ouest du col du Serpaton, au-dessus de Gresse-en-Vercors (Isère).

Les deux ravins, actuellement végétalisés, sont dominés par un repli de terrain qui dévie les eaux météoriques vers le ravin de droite. Ils n'ont donc pas pu être formés par une érosion torrentielle. Nous pensons en conséquence que ce sont les eaux glaciaires du glacier du Drac qui ont creusé ces ravins lorsque ce glacier franchissait le col.

Pendant le Riss, le glacier n'a pas atteint l'altitude du col, donc la glaciation en question était celle du Mindel.

La prairie qui couvre ce versant ouest présente d'ailleurs des dépôts glaciaires que leur altitude désigne comme antérieurs au Riss.

 

Le versant ouest du col du Serpaton (Vercors, Isère)
  • En amont de Barcelonnette, Alpes-de-Haute-Provence, voici le Serre de l'Aut.

Cette échine, longue de plus de 1 km, barre à peu près complètement le cours de l'Ubaye. Son versant sud, au-dessous de 2187 m se creuse de profondes ravines.

Le Serre de l'Aut, en amont de Barcelonnette, Alpes-de-Haute-Provence

Aucun torrent n'a jamais coulé ici. La Brèche qui marque la fin de la partie ravinée se situe à 2167 m. Or, des sites témoins caractéristiques situés dans les environs nous montrent que l'altitude de surface du glacier mindelien était ici de 2200 m environ. Cette concordance nous amène à penser que les ravines ont été creusées par les eaux glaciaires de la rive droite du glacier de l'Ubaye.

On peut également remarquer qu'il n'existe plus de ravines partant de la crête à gauche de la Brèche, c'est-à-dire hors de portée de ces eaux glaciaires.

Tous ces ravinements - et bien d'autres encore - présentent en commun le fait de culminer très au-dessus de l'emprise des glaciers würmiens et rissiens.

Bien entendu, les sommets des ravins ne se sont pas maintenus à une position et une altitude inchangée, mais les épaulements non plus. Tous deux ont évolué conjointement, selon l'importance des mouvements orogéniques et du rebond glacio-isostatique. Il est difficile en effet d'admettre que certains ravinements puissent dater d'époques aussi reculées. Mais, par ailleurs, il est indéniable que le sommet d'un grand nombre de ceux-ci se situe près de la surface de glaciers anciens, en général à peu de distance d'un sommet d'épaulement, ce qui leur confère une évidente relation avec les glaciations.

 
28 septembre 2013

Comment concilier la « fraîcheur » de certains ravinements - chalanches en particulier - avec l'ancienneté que nous attribuons à leur formation ? On incrimine souvent l'action de l'érosion régressive pour expliquer la formation de ces ravinements. Mais nous ne voyons pas pourquoi une érosion régressive, s'exerçant à partir de leurs parties inférieures, aurait crée des formes culminant aussi souvent près d'un sommet d'épaulement.

Nous ne nions pas que l'érosion régressive ait pu effectivement s'exercer sur ces ravinements. Elle les a amplifiés, mais postérieurement à leur création par l'érosion glaciaire.

Dans les parties hautes des vallées, les ravinements initiés lors du Mindel ont été certes rafraîchis lors des glaciations suivantes, puisque celles-ci se sont élevées sensiblement à la même altitude. Voir à ce sujet la page sur la convergence des altitudes des glaciers dans le haut des vallées.

 

Nous proposons l'hypothèse suivante :

  • le ravinement a été initié par le même phénomène qui a donné naissance à l'épaulement (par exemple circulation d'eaux glaciaires lors de la glaciation maximum). Il s'est formé un relief d'érosion typiquement glaciaire : ravine ou ravin.

  • puis, après la décrue glaciaire, le ravinement a subi une reprise d'érosion par des mécanismes plus actuels : action des eaux météoriques et/ou érosion régressive.

Nous avons rencontré tous les cas :

  • période de latence, après le Riss, un encore en cours :

le ravinement - ici un versant d'érosion près d'Ornon (Isère) - commence seulement à se végétaliser. Pourtant relativement assez récent - il ne date que du Riss - il est peu visible dans le paysage. Un ravinement végétalisé beaucoup plus ancien, datant de la glaciation maximum, serait à peine discernable.

Un versant d'érosion près d'Ornon (Isère)
  • reprise d'érosion en cours.

Versants d'érosion de la Buffe et d'Ornon (Isère) Les deux cas peuvent coexister à proximité l'un de l'autre, tels ceux-ci toujours près d'Ornon. Le versant d'érosion 4 bis est celui de la photo précédente, celui repéré 4 date du Würm.

Parmi les caractéristiques qu'offrent ces ravinements, notons l'absence d'entonnoirs de réception dans leur partie amont, ce qui permet de les distinguer de vallons dus à des eaux torrentielles, tel qu'il en existe un peu partout (Roize, par exemple, dans le massif de la Chartreuse).

Comment ces formes superficielles auraient-elles pu persister pendant plusieurs centaines de milliers d'années ? Nous pensons qu'au fil des millénaires, les ravinements ont été entretenus :

  • par les glaciations suivantes, qui, bien que moins importantes, envoyaient, à certains moments, leurs eaux glaciaires dans les parties basses des ravinements,

  • pendant les interglaciaires, par les eaux de ruissellement lors des orages et par l'érosion régressive, qui empêchaient toute végétation de prendre racine.

Mais n'oublions pas que l'érosion par les eaux météoriques, ainsi que l'érosion régressive, ne pouvaient se produire que pendant les périodes de climat assez chaud, tel que l'actuel, et non pas au cours des glaciations elles-mêmes qui ont régné pendant la plus grande partie du temps. Selon nous, les glaciers seraient donc souvent responsables de la localisation des ravinements, les autres érosions plus actuelles étant responsable de leurs actuels forme, taille et aspect de surface. Encore faut-il être sûr que le glacier incriminé dans la création d'un ravinement appartenait bien à une glaciation ancienne et non pas au Würm ou au Riss.

Dans le cas d'un glacier de vallée, la différence de quelques centaines de mètres mentionnée ci-dessus avec le glacier rissien de la vallée suffira à le prouver. Ceci est encore plus facile à déterminer lorsque la vallée n'a pas été englacée lors du Würm et du Riss. Par contre la démonstration sera plus difficile à apporter dans le cas d'un glacier de versant, qui peut se reconstituer lors de chaque glaciation, à peu près toujours semblable à lui-même. Retenons que ce dernier cas ne se rencontrera pas si l'on applique les règles formulées dans notre page sur la détermination de la surface d'un glacier de vallée.

 

Pour en savoir plus sur :

 
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Mise à jour le Dimanche, 14 Décembre 2014 10:54