Ces diverses formes périglaciaires, parfois regroupées sous le nom d'hydrolaccolites, comprennent les pingos, les palses et les lithalses. La plupart d'entre elles sont apparues pendant les époques glaciaires, essentiellement dans le nord de l'Europe ; mais à l'heure actuelle encore, des hydrolaccolites prennent naissance sous les climats froids de l'Alaska et du nord-ouest du Canada par exemple.
En surface, ils se traduisent par des buttes, puis, au réchauffement du climat, apparaissent des mares, généralement circulaires, les cicatrices, fréquemment nommées en France laquets. Les lentilles de glace qui sont à l'origine de la formation des hydrolaccolites, résultent de la migration d'eaux dans le sol. Ces eaux seront ultérieurement transformées en glace sous l'influence du climat. Cette migration peut avoir différentes causes, d'où les diverses appellations : pingos, palses et lithalses.
Les pingos
Ici, la migration de l'eau peut être causée :
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soit par la mise en pression de la nappe phréatique par suite du gel,
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soit par un écoulement gravitaire.
On rencontre donc deux types de pingos (mot esquimau) :
Les pingos du premier type
Ils sont dits en système fermé ou encore pingos type delta du Mackenzie.
Phase 1 - Un lac protège du gel les terrains situés en dessous de lui, alors que, plus bas, s'étend le pergélisol, qui peut, même à l'heure actuelle, atteindre 600 mètres d'épaisseur.
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Phase 2 - Il arrive parfois que le lac se vide ou se remplisse d'alluvions ; le gel pénètre alors progressivement dans les terrains sous-jacents, laissant subsister tout d'abord une zone non gelée au-dessus du pergélisol, zone qui peut être fermée de toutes parts.
Phase 3 - L'augmentation de volume due au gel de l'eau située dans le terrain en cours d'engel engendre une mise en pression. Profitant d'un point faible, une partie de l'eau remonte, donne naissance à une lentille de glace d'injection qui soulève le sol. Un pingo prend naissance.
Le phénomène peut se reproduire chaque année, entraînant l'augmentation progressive de la taille du pingo.
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Après le froid de la glaciation, le climat se réchauffant, la lentille de glace commence à fondre.
L'érosion s'attaque au pingo, essentiellement par coulées de solifluxion, mais aussi par l'action des pipkrakes.
Les terrains emportés par la solifluxion édifient parfois autour du pingo une sorte de margelle, un rempart.
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Le réchauffement continuant, la glace disparaît complètement ; une cicatrice apparaît à la place du pingo, souvent occupée par une mare, un laquet.
Un rempart peut ou non exister selon les cas.
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On peut se demander dans quelles circonstances un lac peut se vider. Ce n'est pas courant ! Mais le delta du Mackenzie, au Canada, n'est pas un endroit ordinaire !
Outre les lacs très nombreux (taches noires sur la photo) - entre lesquels il a cependant été possible de tracer une route (flèches blanches) - le delta abrite 1400 pingos en cours d'évolution.
Au large, ont été recensés 200 pingos sous-marins, édifiés, peut-être, au maximum de la glaciation, pendant lequel le niveau des mers était inférieur de 130 m à l'actuel.
Image Internet
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Les pingos du deuxième type
Ce sont ceux en système ouvert parfois dénommés pingos type Groenland.
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Ici, point n'est besoin de lac. L'eau circule dans une couche de terrain situé entre le bedrock (ou un pergélisol) et la couche supérieure du terrain soumise au gel hivernal.
Si, comme en X, l'écoulement vient à se bloquer, le niveau de l'eau remonte et, comme dans le cas précédent, donne naissance à une lentille de glace.
Les phases d'évolution suivantes seront les mêmes que ci-dessus.
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Une source artésienne peut également donner naissance à un pingo.
Les pingos peuvent atteindre des dimensions assez importantes: jusqu'à 70 mètres de hauteur et 600 mètres de diamètre. Généralement circulaires, ils peuvent parfois présenter des formes plus allongées. Sur l'île Prince Patrick (Canada) Pissart a observé une forme de 1300 mètres de longueur et de 9 mètres de d'élévation. Un réseau de fractures radiales apparaît parfois à la partie sommitale de pingo. D'autres ont une forme de cratères, qui présentent une certaines analogie avec de petits appareils volcaniques, islandais par exemple. Leur sommet est le plus souvent alors occupé par un petit étang.
Les pingos sont rarement groupés. En Alaska, par exemple, on compte 10 pingos sur un territoire de 260 km2.
Un pingo dauphinois ?
Nous avons récemment (novembre 2009) rencontré, dans les environs de Grenoble, vers le Col du Coq (Massif de la Chartreuse), une forme de relief tout à fait semblable à un pingo. Elle se situe au bord du sentier qui mène du Habert du Col du Coq au Col de la Faita, à 1450 m d'altitude, en UTM WGS 84 : 31T 0721670 / 5020250.
Il s'agit d'un cône régulier, d'une trentaine de mètres de diamètre à la base et d'une dizaine de mètres de hauteur ; à son sommet, une dépression conique de 3 à 4 m de diamètre et 1 m de profondeur environ. L'ensemble, qui se situe en forêt, dans une pente assez soutenue, se présente comme un "petit volcan de poche". Pourrait-il s'agir d'un pingo du type "en système ouvert" , qui pourrait alors être daté du Würm ? Il n'est pas exclu cependant qu'il puisse s'agir du reliquat d'une moraine, alors rissienne, car le Würm n'est pas monté aussi haut. La surface comporte de nombreux blocs calcaires ; leur présence est-elle possible sur un pingo ?
Exemples de pingos
Pingo en formation au Canada
Image Internet
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L'Ibyuk pingo qui, du haut de ses 48 m d'élévation, domine le delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, pourrait avoir mille ans d'âge.
Image Commission canadienne des affaires polaires
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Pingo en système ouvert dans le Haut Eskerdalen, à 35 km à l'est de Longyearbyen, dans l'archipel du Svalbard (Norvège).
Photo: Hanne Christiansen (avril 2001)
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Les palses et les lithalses
Ici la migration de l'eau n'est pas liée à la présence d'un lac ou d'un terrain en pente comme pour les pingos. Il semble que le moteur de cette migration soit une différence de conductibilité thermique du sol. L'eau se rassemble alors en des lieux propices où, durant la saison froide suivante, elle donnera naissance à une lentille de glace. Si le terrain poreux est constitué de tourbe, on aura affaire à une palse.
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S'il est formé de sédiments sableux ou encore de tufs volcaniques, ce sera une lithalse (ou palse minérale) qui prendra naissance. Au réchauffement du climat apparaîtra parfois un laquet.
Les palses et les lithalses sont rarement isolés. Ils peuvent se grouper par dizaines ou par centaines, donnant ainsi naissance à des champs de laquets ; leur diamètre va de quelques mètres à quelques dizaines de mètres.
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Exemples de cicatrices de pingos et de lithalses
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Près de Sersheim (Bade-Würtemberg, Allemagne), une dépression circulaire, généralement considérée comme une cicatrice de pingo.
Son environnement (terrain horizontal, dépourvu de traces d'ancien lac) nous incline plutôt à considérer qu'il s'agit plutôt d'une cicatrice de lithalse.
Diamètre de l'ordre de 80 mètres.
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Une mare d'ancienne palse en haute Ardenne.
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Des cicatrices de lithalses, les viviers des Hautes Fagnes (Ardennes belges).
On a pu dater ces formes du Dryas récent (vers 10 000 à 12 000 ans BP).
Photo Albert PISSART
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D'autres lithalses sur le plateau des Hautes Fagnes dans les Ardennes belges.
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Cicatrice de pingo au Canada, avec un imposant rempart.
Photo Th. Vincent
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Sur une plage près de Nantes, ces formes dans la falaise sont considérées comme la cicatrice d'un pingo.
Image Internet
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En France, à l'heure actuelle, n'apparaissent, bien entendu, plus de pingos. Mais ceux créés lors de la dernière glaciation ont donné naissance à des formes parfois encore très visibles. Dans l'Aubrac, près de Nasbinals (Lozère), les nombreux laquets sont souvent considérés comme des cicatrices de pingos, quoique d'aucuns les considèrent comme étant des kettles. Leur grand nombre ainsi que le fait qu'ils sont formés dans des tufs volcaniques spongieux nous incite toutefois à penser qu'il peut s'agir de lithalses, mais nous n'avons pas visité ce site.
On trouve également des cicatrices de pingos dans le Nord de la France ainsi que dans le Berry (ce sont alors des mardelles) ou en d'autres régions de France et de Belgique.
Jusqu'à présent, aucune cicatrice de pingo n'avait toutefois, à notre connaissance, été signalée dans les Alpes. Nous pensons cependant avoir identifié un possible champ de laquets, cicatrices de lithalses remplies d'eau, près du col de Cenise dans le massif des Bornes (Haute-Savoie), au-dessus du Petit Bornand. Les deux photos qui suivent sont relatives à ce site et nous renvoyons le lecteur intéressé par des précisions complémentaires à la page sur les laquets du col de Cenise.
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Voici ce que nous considérons comme un champ de laquets, près du col de Cenise...
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... et l'un de ces laquets.
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Ne pas confondre pingos et kettles, même si leurs cicatrices présentent une certaine convergence de formes ! Les pingos, de même que les palses et les lithalses, sont des formes périglaciaires engendrées par des circulations d'eau dans le sol. Les kettles sont des formes glaciaires, résultant du transport par un glacier d'énormes masses de glace protégées de la fusion par des pierrailles.
Les pingos sont créés souvent très loin des glaciers, alors que les kettles ne se rencontrent que sur les flancs des vallées parcourues jadis par ceux-ci et surtout aux environs de leur vallums terminaux.
De plus amples détails sont fournis à la page sur les kettles.
Cette page doit beaucoup aux articles du Professeur Albert Pissart (Université de Liège, Département Géomorphologie et Géologie du Quaternaire)
paru dans les « Documents de la Station Scientifique des Hautes Fagnes » en 1986, 1999 et 2000.
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