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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Les dépôts glacio-lacustres PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Lundi, 14 Mars 2011 15:30
Version 85

A leur arrivée dans les lacs les matériaux apportés par les torrents de fonte étaient débarrassés de leur argile, qui se déposait au fond des lacs sous forme d’argiles varvées, c’est-à-dire formées de minces couches empilées, les varves ou rythmites, chacune d'entre elles représentant la sédimentation d'une année. Cette périodicité a parfois été utilisée comme moyen de datation, un peu à la manière des anneaux de croissance des arbres en dendrochronologie. Quant aux éléments plus grossiers (sables, graviers, blocs), ils se déposaient au débouché de chaque glacier ou de chaque torrent dans le lac, selon des modalités diverses que nous allons examiner.

 

Vie et mort d'un lac glaciaire

Imaginons tout d'abord un lac compris entre un glacier et une moraine frontale ou latérale ou encore un lac d'ombilic. Les torrents qui s'y jettent - en été principalement - y édifient un delta sous-lacustre, caractérisé par de nombreuses couches superposées, inclinées de 25° à 30°sur l'horizontale (talus de progradation).

Dépôts deltaïques

Les couches supérieures terminales présentent, quant à elles, des pentes beaucoup plus faibles, car ce ne sont pas de véritables dépôts lacustres, ils se sont édifiés à l'air libre. Il s'agit de playas (une playa étant une zone d'épandage d'alluvions à surface plane, parcourue par de nombreux ruisseaux anastomosés et vagabonds), encore appelés couches sommitales. Si le cours d'eau est issu directement d'un glacier, ces dépôts prennent le nom - islandais - de sandurs. Plus loin se déposent des dépôts de fond.

Si ces deux modalités de dépôt - deltas sous lacustres et playas - ont été fréquemment décrites, nous ne pensons pas qu'il en soit de même de la troisième, qui s'applique cette fois à un lac dont le niveau s'élève au fur et à mesure de son comblement. Cette éventualité - peu fréquente, sans doute, mais que l'on rencontre dans le cas de dépôts d'obturation - se produit par exemple lorsqu'un glacier adjacent - un affluent en général - vient barrer une vallée jusqu'à présent libre de glace. Un lac se crée alors, dont le niveau s'élève en même temps que celui de la langue glaciaire d'obturation. Chaque petite élévation du niveau du lac entraîne la création d'un volume disponible, qui va être rempli par les sédiments apportés par la rivière.

Trois cas de figure peuvent alors se rencontrer, selon la vitesse relative de création de ce volume disponible par rapport à celle des apports d'alluvions.

  1. Premier cas : On peut, tout d'abord, se trouver dans une période de crue glaciaire pendant laquelle le niveau du glacier adjacent, donc celui du lac, s'élève rapidement et où le volume disponible se crée à une vitesse supérieure à celle des apports. On se retrouve alors dans la première modalité ci-dessus, que nous appellerons la phase lac.

    Les dépôts de fond se composent d'argiles varvées, alors que les apports plus grossiers, qui n'intéressent que la partie amont du lac, forment des dépôts deltaïques. Le lac s'étend alors jusqu'à la base du glacier et ses eaux viennent saper celle-ci. Une falaise plus ou moins verticale se crée, à la place de la pente progressive classique d'une langue glaciaire terminale.

    Lac du Miage (Val Veni , Val d'Aoste)

    Exemples : le lac du Miage (Val Veni, Val d'Aoste).

    On voit que le glacier plonge dans le lac par une falaise presque verticale.

    L'existence d'une falaise plongeant dans les eaux du lac est assez générale, car nous la retrouvons :

    • pour certains glaciers du Tessin se terminant dans des lacs de retenue artificiels,

    • dans le cas du lac de Märjelen (Tessin, Suisse),

    • ou encore à une toute autre échelle, dans celui des magnifiques glaciers d'Argentine ou du Spitzberg aboutissant dans l'océan.

    Falaises terminales de glaciers au Spitzberg

    Falaises terminales de glaciers au Spitzberg.

    On voit que le glacier plonge dans le lac par une falaise presque verticale.

     

    Le voiler donne l'échelle.

    Falaises terminales de glaciers au Spitzberg
  2. Deuxième cas : Si l'on se trouve, au contraire, dans une période de stagnation glaciaire ou d'élévation lente du niveau de la glace, pendant laquelle la vitesse de création de volume disponible est nettement inférieure au débit des apports solides, le lac pourra se combler entièrement, jusqu'au contact avec le glacier, de matériaux grossiers en provenance de l'amont.

    Nous nous trouvons alors dans la deuxième des modalité évoquées ci-dessus, que nos appellerons phase playa. Les dépôts sont également caractéristiques, ce sont des sables et graviers lavés, en lits peu inclinés (quelques pour cent), qui présentent fréquemment des chenalisations (stratifications obliques dues au déplacement des torrents qui vagabondent à la surface de la playa). Cette playa dont le niveau s'élève avec l'arrivée de nouveaux matériaux, freine l'avancée du glacier.

    Croquis d'un glacier adjacent

    Un cas remarquable de dépôt d'obturation, le barrage d'une vallée par un glacier adjacent

     
    Glacier barrant une vallée

    Le glacier adjacent, par exemple un affluent de la vallée principale, vient barrer celle-ci.

    La glace repousse la rivière contre la rive opposée, les eaux s'écoulant, en général, une centaine de mètres sous la surface de la langue glaciaire (lignes pointillées).

    Au fur et à mesure de l'avancée du glacier (phases 1, 2, 3, 4...), les playas successives s'élèvent à la même cadence et viennent s'opposer à la progression de la glace.

    On peut voir que les extensions successives du glacier A, B, C, D se situent sensiblement alors dans un plan vertical.

    Exemple actuel : le lac de Combal, résultant du barrage de la vallée de la Doire par le glacier du Miage italien (Val Veni, Val d'Aoste).

  3. Troisième cas : Ce dernier cas était certainement beaucoup moins fréquent, mais c'était celui, par exemple, du glacier würmien de la Bonne venant barrer la vallée du Drac, donnant ainsi naissance au lac du Beaumont ou encore, peut être, celui des vallées du Guiers Vif et du Guiers Mort (Massif de la Chartreuse), barrées par le glacier de vallée. Dans ce cas, le niveau du lac en cours de formation s'élève au même rythme ou à un rythme légèrement inférieur à celui des apports solides. Les dépôts se présentent alors sous un aspect original que nous appellerons dépôts par profondeur lentement croissante.

    Ces dépôts ne présentent pas les caractéristiques des précédents : pratiquement horizontaux - donc ni deltaïques ni de playa - ils ne présentent pas les chenalisations fréquentes sur ces dernières. Comme dans le deuxième cas, les dépôts freinent l'avancée du glacier, qui stagne plus ou moins.

    Dans la vie d'un lac de ce type (barrage d'une vallée par un glacier adjacent), tel le lac du Beaumont, ces diverses phases (lac, playa et dépôts par profondeur lentement croissante) peuvent se succéder, entraînant la mise en place alternées d'argiles et d'éléments grossiers.

    Pour plus de détails sur ce lac du Beaumont, voir la page sur les anciens lacs du Beaumont et du Champsaur.

    On pourra également lire à ce sujet une page qui, pour une fois, nous fera sortir du domaine alpin : Des îles de l'Adriatique au lac du Beaumont.

Quelques exemples de dépôts glacio-lacustres

Dépôts lacustres deltaïques de sable et de gravier à Marcelline, près de Pont-de-Claix (Isère).

Après le recul du glacier würmien, un lac a occupé la cuvette grenobloise, avant d'être comblé par les apports de l'Isère, du Drac et de la Romanche.

On distingue bien le pendage des couches, de l'ordre de 25°.

Dépôts lacustres deltaïques de sable et de gravier

Les matériaux d'origine deltaïque, naturellement lavés, sont fréquemment exploités en carrière comme agrégats, alors que les dépôts morainiques, qui contiennent de l'argile, doivent en être débarrassés par lavage avant utilisation et sont donc moins intéressants du point de vue économique.

Certains lacs, dans lesquels les apports fluviaux étaient particulièrement importants, ont été entièrement remblayés. C'est le cas général, c'est celui du Grésivaudan, où, à la fin du Würm, un lac plus long que l'actuel Leman s’est maintenu jusqu’à être entièrement comblé par les apports de l’Isère. D'autres lacs, de très grande taille ou situés à l'écart des apports importants d'alluvions, n'ont été que partiellement remblayés, tel le lac Majeur.

Les terrasses qui constituent une grande partie du bassin du Drac sont des exemples de tels dépôts glacio-lacustres, ultérieurement entamés par l'érosion fluviale régressive du Drac et de ses affluents.

Les terrasses du Beaumont (Isère)

Terrasses du Beaumont (Isère)

Au cours de la glaciation würmienne, la plus grande partie de la vallée du Drac, en aval de St Bonnet-en-Champsaur, était libre de glace mais barrée par les glaciers affluents (Séveraisse, Bonne). En amont de chaque barrage, la vallée du Drac était donc occupée par un lac. Tous ces lacs furent comblés par les alluvions apportées par les rivières.

Après la disparition des glaciers, une partie de ces alluvions a été emportée par l'érosion, le reliquat formant les terrasses caractéristiques du bassin du Drac, par exemple celles-ci, édifiées dans le lac créé par le glacier de la Bonne.

Le Drac, non visible sur la photo, coule au fond de la gorge.

 

Une autre terrasse remarquable, celle de Pellafol (Isère), déposée dans le lac du Beaumont.

Sur plus de 200 m d'épaisseur les apports du Drac et de la Souloise, qui draine le Dévoluy, se sont déposés dans le lac de barrage par le glacier de la Bonne que nous évoquions ci-dessus. Le niveau de la terrasse correspond au niveau supérieur du lac würmien.

Dépôts par faible profondeur à Pellafol en Isère

On remarquera qu'il ne s'agit pas de dépôts deltaïques, car les couches sont sensiblement horizontales. On n'observe que peu de chenalisations, alors que ce serait le cas général pour des dépôts de playa. L'élévation du niveau du lac s'étant produite de manière graduelle, au fur et à mesure de l'avancée du glacier, nous pensons nous trouver ici en présence de dépôts par faible profondeur dont il a été question ci-dessus.

A la fin de chaque glaciation, le Drac était ainsi barré, un lac se formait, dont le niveau était fonction de l'importance de la glaciation. Et à chaque interglaciaire, l'érosion venait enlever les dépôts... mais parfois d'une manière incomplète.

Terrasses de Pellafol en Isère

On voit en effet, sur cette vue aérienne de la terrasse de Pellafol, que les dépôts rissiens n'ont pas été complètement érodés pendant l'interglaciaire Riss-Würm.

Le glacier rissien de la Bonne ayant été plus important que son homologue würmien, il existe donc, entre les deux terrasses, une marche d'escalier sur laquelle s'est construit le nouveau Pellafol.

L'ancien village édifié trop près du bord de la terrasse (en bas à gauche de la photo) a dû, en effet, être abandonné devant la menace de l'érosion régressive de la Souloise.

Pour plus de détails sur ce lac du Beaumont, voir la page sur les anciens lacs du Beaumont et du Champsaur.

 
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Mise à jour le Mardi, 26 Juillet 2011 13:30