Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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Les anciens lacs du Trièves |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||
Vendredi, 26 Novembre 2010 16:11 | |||||||||||
Le Trièves
Le lac wurmien du TrièvesC'était, pendant la dernière glaciation, le plus important de tous les lacs du bassin du Drac. On sait, à la suite de Guy Monjuvent, que les glaciers qui occupaient las vallées des affluents du Drac, moins vigoureux qu'au Riss, ne dépassaient guère le fond de la vallée principale. De plus, le glacier de la Durance n'envoyait, par le seuil Bayard, qu'une maigre diffluence et non plus l'important flot de glace de la glaciation précédente. Le glacier du Drac se cantonnait tout en haut de sa vallée et le Trièves était libre de glace.
Ne pouvant vaincre l'obstacle frontal que constituait le glacier de l'Isère, le lac se déversait, latéralement, par un point bas de l'arête qui le séparait de la vallée de la Gresse, le seuil des Cadorats. Les eaux pénétraient alors latéralement sous la langue glaciaire qui remplissait cette vallée de la Gresse et s'évacuaient en profondeur, d'autant plus facilement qu'il s'agissait, non d'eaux de fonte glaciaires, mais d'eaux sortant d'un lac, où elles avaient été portées à une température supérieure à 0 degrés en été. C'est donc ce seuil des Cadorats qui fixait à 770 m d'altitude le niveau du lac. Sur le versant ouest de ce seuil, les eaux issues du lac ont creusé un vallon, bien visible depuis la route nationale RN 75, qui le franchit par un virage accentué. On peut toutefois s'étonner de la taille relativement modeste de ce vallon, dont la pente est pourtant soutenue et qui fut parcouru pendant des milliers d'années par une rivière de l'importance du Drac. Il nous semble donc probable que le barrage formé par le glacier de l'Isère dans la vallée du Drac n'était pas totalement étanche et qu'une partie des eaux du lac s'écoulait à travers la moraine frontale et la glace. Dans cette hypothèse, le seuil des Cadorats aurait joué seulement le rôle d'un "déversoir de sécurité", qui limitait effectivement le niveau du lac à la cote de 770 mètres. Comment s'écoulaient les eaux du lac du Trièves ?L'écoulement de ces eaux pose deux problèmes :
Subsiste-t-il dans le paysage actuel des traces de ces écoulements importants ? Il nous semble que c'est le cas dans les environs de Seyssinet-Pariset. Nous avons décrit à la page sur les sillons de Seyssinet-Pariset les trois canyons bien connus de la Combe Vallier, du Désert de l'Ecureuil et du Désert de Jean-Jacques Rousseau. Mais au-dessus de cet ensemble, à une altitude voisine de 600 m, existe un ultime vallon, celui du ruisseau du Bouteillard, particulièrement remarquable, car large par endroits de 600 mètres environ, ce qui en fait le plus important de tous les sillons que nous avons rencontrés, même si ce n'est pas le plus spectaculaire, encombré qu'il est par les dépôts glaciaires.
Ce sillon du Bouteillard est le plus élevé que l'on puisse rencontrer sur ce versant du Vercors, car, plus haut, la pente du versant s'accentue jusqu'à atteindre des valeurs bien supérieures à 21 %, valeur limite au-dessus de laquelle on sait que nous n'avons jamais observé de sillons. Quel peut être le mode d'érosion capable d'avoir creusé un tel fossé, aux dimensions inhabituelles (600 m de largeur par 40 m de profondeur au minimum) ? Ce n'est pas l'érosion torrentielle, ainsi que le montre sa faible pente et l'insignifiance du bassin d'alimentation. Tout se passe comme si une rivière importante avait coulé longuement ici et nous pensons tout naturellement au Drac. L'altitude de ce sillon du Bouteillard (600 m environ) suggère bien la possibilité d'un creusement par les eaux d'écoulement du lac du Trièves (qui coulaient à 770 m au seuil des Cadorats, à 30 km plus à l'amont). Dans cette hypothèse, la rivière qui a creusé le sillon du Bouteillard serait donc le cours intraglaciaire du Drac, grossi peut-être des eaux de la rive gauche du glacier de l'Isère et de celles de la Romanche et repoussé contre le Vercors par ces deux glaciers. Nous conviendrons volontiers toutefois qu'il s'agit là d'une simple hypothèse.
Les débâclesLe lac du Trièves a-t-il été sujet à des débâcles ? On sait que, lorsqu'un glacier barre une vallée et qu'il retient un lac à l'amont, il arrive parfois que les eaux du lac surmontent le barrage de glace et l'emportent. S'ensuit une débâcle, qui peut entraîner une crue catastrophique en aval. On lira à ce sujet les pages sur l'écoulement des lacs glaciaires et sur les débâcles gigantesques. Des phénomènes analogues ont-ils pu se produire dans les lacs alpins, en particulier celui du Trièves ? La situation des lieux n'est pas sans rappeler celle de l'actuel glacier Hubbard, ou, plus loin dans le temps, celle du lac Missoula. Il est toutefois difficile de dire si, comme dans le cas de ces deux glaciers nord-américains, un lac a existé un certain temps dans la basse vallée du Drac, lac qui aurait vidangé périodiquement ses eaux en emportant une partie de la rive gauche du glacier de l'Isère. Cela n'est pas impossible, tout au moins en début et fin de glaciation, lorsque le glacier de l'Isère n'était pas trop haut sur Grenoble. Mais on ne trouve pas, en Basse Isère, de traces de pareils écoulements, à l'exception peut-être du dépôt situé à Izeaux (Bièvre-Valloire, Isère), mentionné à la page sur la Bièvre-Valloire et qui est attribué généralement à un surge. Enfin...Au fil des millénaires qui suivirent le recul des glaciers, les apports du Drac finirent par combler entièrement le lac, d'éléments grossiers (galets, graviers, sables) dans sa partie amont et d'argiles plus à l'aval. Ces argiles se déposaient sous forme de d'argiles varvées - c'est-à -dire formées par l'empilage de minces feuillets superposés, chacun d'eux correspondant au dépôt d'une année - alors que sables et graviers le faisaient, à l'amont, sous forme de dépôts deltaïques. Au début de son histoire, le lac du Trièves s'était d'ailleurs étendu jusqu'en amont du Beaumont. Puis le glacier de la Bonne était arrivé, barrant la vallée, coupant le lac en deux et créant ainsi, à l'amont, le lac du Beaumont. Plus récemment encore, la majeure partie des dépôts fut emportée. Subsistent toutefois, toujours à une altitude proche de 770 m, plusieurs terrasses à Saint-Jean d’Hérans et Villard Julien ainsi que les typiques argiles de Sinard. Et que s'était-il passe au Riss ?Au maximum du Riss la glace avait occupé la totalité du bassin du Trièves. Ce n'est qu'à la décrue des glaces que, le niveau des glaciers ayant fortement baissé, la situation s'est trouvée analogue à celle que nous venons de décrire pour le Würm. Il devait alors vraisemblablement exister un lac analogue au lac würmien, à une altitude peu différente. |
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Mise à jour le Lundi, 13 Juin 2011 18:52 |