Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) | Présentation et mise en page Bruno Pisano |
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Pertinence de l'analyse morphologique pour le calcul des altitudes de surface des glaciers |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||
Jeudi, 30 Septembre 2010 17:59 | |||||||||||
Application au glacier du Guil à Château QueyrasRendons nous dans la vallée du Guil, affluent de la Durance (Queyras, Hautes-Alpes). Les deux sites que nous allons parcourir, de part et d'autre de Château-Queyras, fournissent une bonne confirmation de la validité de la méthode de calcul des altitudes atteintes par les glaciers. Rive gauche du Guil, tout d'abord, intéressons-nous aux environs du Sommet Bucher. Commençons notre visite par le Vallon, petite vallée située à l'est de la Pointe de la Selle. Ce sommet - ou plutôt ce double sommet - est un bel obélisque de calcaire blanc du Jurassique supérieur. Ce vallon, qui forme la frontière entre le Queyras calcaire à l'ouest - dans le dos du photographe - et le Queyras schisteux, à l'est - qui apparaît derrière les arêtes de la Pointe de la Selle - était occupé par un glacier, affluent rive gauche de celui du Guil. Première indication sur son altitude de surface, un épaulement du type "pommeau [1]" au pied de la falaise nord de la Pointe de la Selle.
Une autre vue de l'épaulement, vu cette fois de l'intérieur du Vallon
Nous avons dit qu'il fallait, pour obtenir la cote de la surface glaciaire, pour tenir compte des tassements et de l'érosion post-glaciaires ajouter quelques dizaines de mètres à l'altitude du sommet des formes de dépôt et nous avons adopté, pour une telle broue, la valeur de 20 m. La surface du glacier du Vallon descendait donc de 2470 m au niveau du pied de la falaise de la Selle jusqu'à 2380 m à l'extrémité sud de la broue et à 2330 m à son extrémité nord, en abordant le col des Près de Fromage. Reprenons notre descente vers ce col. Au sud du col - revoir la carte ci-dessus - se trouve un plan d'épaulement, long de 700 m, collé à la base du Bois des Vallonnets et qui s'éléve de 2170 m au sud à 2180 m en arrivant au col. Comme pour les épaulements, l'altitude de la limite supérieure d'un plan d'épaulement, augmentée de 50 m, fournit celle de la surface glaciaire, soit ici environ 2220 m au sud et 2230 m en arrivant au col. Notons donc que nous remontons ici la surface glaciaire, ce qui montre que ce plan d'épaulement a été déposé, lors d'une phase de retrait, par la diffluence, sur le col des Prés de Fromage, du glacier qui descendait la vallée de l'Aigue Agnelle. Le col des Près de Fromage lui-même présente un bel ensemble de sillons vallonnés, orientés est/ouest.
A ce stade, une première conclusion nous paraît s'imposer :
Franchissons maintenant la vallée du Guil et gravissons, au-dessus de Château Queyras, le col de la Crèche (2284 m). Les environs de ce col nous montrent un remarquable ensemble de formes glaciaires :
Ce glacier de Péas, affluent de celui du Guil, diffluait quelque peu par le col de la Crêche - dans le sens ouest/est - ainsi que le montre l'existence du vallon des Simons sur le versant est de celui-ci. La présence de ce vallon, creusé par les eaux de fonte de cette petite diffluence, prouve également que la surface du glacier de Péas était ici légèrement plus élevée que celle de l'appareil de vallée du Guil, cas général pour un appareil affluent.
Un autre site utilisable pour la détermination des altitudes est constitué par un épaulement qui constitue le versant sud-ouest de ce sommet 2322 et qui culmine à 2289 m (épaulement du style « pommeau [2] ») : il nous fournit une altitude de surface de 2340 m. L'orientation de cet épaulement montre qu'il est dû au contournement du sommet 2322 m par les glaces du vallon de Péas au moment où elles allaient rejoindre le glacier de vallée du Guil. La surface de ce glacier de Péas cotait donc ici 2340 m environ, d'où la même conclusion que ci-dessus : le sommet 2322 m était légèrement noyé. Conclusion généraleLe regroupement des résultats obtenus sur les deux versants de la vallée du Guil de part et d'autre de Château-Queyras montre que la surface du glacier du Guil au pléniglaciaire s'établissait sensiblement à 2300 m. La différence de 40 mètres avec le chiffre de 2340 m obtenu sur l'épaulement au sud du col de la Crèche s'explique par le fait que celui-ci a été modelé par les glaces du vallon de Péas lorsque elles rejoignaient le glacier du Guil. La convergence des résultats obtenus à plusieurs kilomètres les uns des autres et par une utilisation de sites témoins aussi différents que des épaulements, une broue, des sillons rocheux, et des sillons vallonnés nous paraît constituer une bonne confirmation de la validité de l'emploi des repères morphologiques pour déterminer l'altitude atteinte par les glaciers. Mais cet exemple présente un autre intérêt : le col des Près de Fromage se situe dans le Queyras calcaire (le Sommet Bucher est formé de calcaire jurassiques), alors que le col de la Crêche fait partie du Queyras schisteux (schistes lustrés). On ne saurait donc incriminer dans la convergence des résultats l'existence d'une éventuelle strate, identique des deux côtés de la vallée du Guil et qui aurait imposé leurs altitudes aux sites témoins.
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Mise à jour le Jeudi, 01 Octobre 2015 17:17 |