Altitude atteinte par les glaciers dans...
les Préalpes du Nord Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Mardi, 09 Août 2011 16:11
Version 88

Les massifs subalpins sont qualifiés de Préalpes par les géographes. Pour les géologues ce terme de Préalpes a un autre sens, plus restreint : il s'applique à des massifs comme le Chablais, qui sont certes en position externe mais dont une grande partie des roches proviennent des zones les plus internes et ont été transportées (par "charriage") sur des distances de plusieurs dizaines (voire centaines) de kilomètres (Maurice Gidon). Nous emploierons toutefois ici la terminologie des géographes, plus habituelle, en priant nos lecteurs géologues de bien vouloir nous pardonner !

Avant d'entrer dans le vif du sujet, n'oublions pas de tenir compte de l'effet des mouvements orogéniques et isostasiques.

Massif de la Chartreuse

Pour une visite géologique détaillée du massif, cliquer ici.

Nous n'avons étudié le tracé des glaciers chartroussins que dans la partie sud du massif (voir la page sur les enseignements du Néron). Nous parlerons donc principalement de son pourtour.

Le rebord est du massif de la Chartreuse domine le Grésivaudan par une formidable muraille rocheuse urgonienne, qui ne s'abaisse quelque peu qu'aux environs de Grenoble, où elle est relayée par la barre tithonique. Cette muraille n'est interrompue que par quelques rares cols qui permettent l'accès à l'intérieur du massif (excepté celui de la Faîta, que n'emprunte ni route ni sentier). Du sud au nord, ce sont les cols de Vence, de la Faîta, du Coq, des Ayes, de l'Alpe, de l'Alpette et, enfin, dominant Chambéry, celui du Granier.

Ces passages ont-ils été empruntés par les glaces lors des deux dernières glaciations ? L'examen du graphique d'altitude du glacier de l'Isère - ou mieux encore, le calcul à l'aide de la formule - permet de répondre à cette question.

 

Col

Altitude

(m)

Distance au

vallum würmien
(km)

Altitude calculée

du glacier würmien
(m)

Distance au

vallum rissien
(km)

Altitude calculée

du glacier rissien
(m)

Col de Vence

781

46

1159

62

1363

Col de la Faîta

1430

54

1239

70

1433

Col du Coq

1434

56

1258

72

1450

Col de l'Alpe

1793

73

1408

89

1584

Col de l'Alpette

1547

78

1448

94

1621

Col du Granier

1134

80 environ

1465 environ

96 environ

1636 environ

On peut tirer de ce tableau les conclusions suivantes :

  • le col de Vence a été franchi, à chaque glaciation, sous une épaisseur très importante de glace,

  • le col de la Faîta n'a pas été franchi durant le Würm, mais les glaces rissiennes sont arrivés sensiblement à son niveau. La précision de la méthode ne permet pas d'en dire plus, mais l'absence de ravin sur le versant opposé du col laisse penser qu'il n'a pas été franchi,

  • de la même manière, on ne peut conclure de manière certaine en ce qui concerne le col du Coq, mais ici, les glaces ont pu déborder légèrement le col, les eaux s'écoulant alors dans le ravin de la Rajas,

  • le col de l'Alpe n'a été franchi pendant aucune des deux glaciations,

  • le col de l'Alpette (1547 mètres) se prolonge, sur plus d'un kilomètre vers le nord-est par un vallon en pente douce, dominé au nord par la falaise qui supporte le Mont Granier. Ce vallon se termine, côté Grésivaudan, à la cote 1500 environ. Il nous semble probable, sur la base des chiffres ci-dessus, que, alors que le glacier würmien n'a pas atteint ce vallon, l'appareil rissien a dû en envahir le début, sans peut-être parvenir jusqu'au col de l'Alpette lui-même,

  • le col du Granier a été franchi lors des deux derniéres glaciations. Notons au passage que, tant au Würm qu'au Riss, il est très probable que les glaces s'écoulaient, tout au moins aux maximums des glaciations, de l'Isère vers le Rhône. On pourra le vérifier à la page sur d'autres versants d'érosion glaciaires.

En ce qui concerne ce dernier col du Granier, on peut d'ailleurs trouver une confirmation sur la Roche du Guet (1209 mètres), au nord de Monmélian, qui présente des roches moutonnées et un abrupt d'arrachement, témoins du passage récent d'un glacier. Le niveau de celui-ci était donc supérieur à 1209 + 50 = 1260 mètres (il s'agit là d'une valeur minimum, puisque les observations se situent à un sommet). La prise en compte de cette dernière valeur montre que le glacier montait suffisamment haut pour franchir le col du Granier. Des études en cours, utilisant, elles, les dépôts glaciaires à l'intérieur du massif de la Chartreuse, permettront, nous l'espérons, de confirmer les résultats tirés de l'application de la formule.

Massif des Bauges

Pour une visite géologique détaillée du massif, cliquer ici.

Sites caractéristiques du massif des Bauges

Légende du tableau

 

Rep

Site

Alt (m)

Alt glac (m)

Type

Nb

Larg (km)

Pente (%)

Dist (km)

Carte TOP25

Carte géol

Coordonnées WGS84

B1

Col de Bornette

1330

1380

SD

3

0,5

Hor

-

3432OT

Ugine

32T 280600 5068600

B2

Crêt du Char

1440

1490

SD

3

0,5

Hor

-

3432OT

Ugine

32T 280400 5068650

B3

Arête S du Roc des Boeufs

1432

1482

Ep

-

-

-

-

3432OT

Ugine

32T 279600 5069600

B4

Col de la Frasse

1410

1410

D

-

-

-

-

3432OT

Ugine

32T 280200 5070300

B5

Sommet 1434 sur Creux de Lachat

1434

1434

D

-

-

-

-

3432OT

Ugine

32T 269300 5068100

B6

Col de la Platte

1340

1340

SD

3

0,5

Hor

-

3431OT

Rumilly

32T 269600 5064900

 

Altitude atteinte par les glaciers dans le massif des Bauges

Sillons vallonnés au col des Bornettes

Étant donnée leur altitude relativement faible (1330 m), les sillons vallonnés du col de Bornette (site B1, ici vu du Crêt du Char) datent d'un stade de retrait et ne peuvent donc nous renseigner sur l'altitude maximum atteinte par le glacier.

Le Crêt du Char (site B2) est une épaule qui, sur une longueur de 500 mètres, cote 1450 m à plus ou moins 10 m près et qui porte de courts sillons vallonnés. Sur son versant ouest, des sillons de pente indiquent un mouvement de la glace d'est en ouest. On peut en déduire une altitude minimum de glacier voisine de 1500 m.

 

L'arête sud du Roc des Boeufs (site B3, ici vue du Crêt du Char) porte deux épaulements, l'un cotant 1432 m, l'autre 1500 m, d'où une altitude du glacier du maximum voisine de 1550 m.

L'arête sud du Roc des Boeufs porte deux épaulements

Enfin, les banquettes qui courent le long des flancs est et ouest du col de la Frasse (site B4) fournissent une cote de surface du glacier de 1410 m, valeur également minimum car, au-dessus de cette altitude, les pentes sont trop soutenues pour que des dépôts aient pu subsister. La fraîcheur des formes de ces banquettes montre d'ailleurs qu'elles datent du Würm. Il est donc possible de conclure que, dans ces sites dominant Bellecombe-en-Bauges, les glaciers ont atteint une altitude maximum de 1550 mètres environ.

Le dernier site caractéristique identifié dans ce massif est celui du Creux de Lachat (B5) (Montagne des Banges, au-dessus de Montagny). Ici, sur une éminence (1420 m) qui domine au nord-est le Creux, des sillons vallonnés et des dépôts montrent que le glacier a atteint ici au minimum 1470 m d'altitude. Cette altitude a pu être dépassée, car ces sillons se situent au sommet même de l'éminence.

Massifs des Bornes et des Aravis

Pour une visite géologique détaillée des massifs, cliquer ici.

Sites caractéristiques du massif Bornes-Aravis

Légende du tableau

 

Rep

Site

Alt (m)

Alt glac (m)

Type

Nb

Larg (km)

Pente (%)

Dist (km)

Carte TOP25

Carte géol

Coordonnées WGS84

BA1

Col des Annes

1800

1850

SVD

-

-

-

-

3430ET

Cluses

32T 308100 5093100

BA2

Vallon de Montarquis

1850

1850

Mor

3

-

-

-

3430ET

Bonneville

32T 305600 5097880

BA3

Croix Floria

1770

1820

SVE

3

0,2

Hor

-

3430ET

Bonneville

32T 304000 5093300

BA4

Col de Colomban

1685

1735

S

3

0,1

Hor

-

3430ET

Ugine

32T 296700 5084550

BA5

Crête des Frétes

1730

1730

Rav

-

-

-

-

3430ET

Ugine

32T 296900 5084300

BA6

Lachat

1630

1680

RM

-

-

-

-

3430ET

Ugine

32T 297200 5084900

BA7

Les Vaunessins

1620

1670

SV

3

0,15

Hor

-

3430ET

Ugine

2T 297700 5085400

BA8

Tête de Cabeau

1650

1700

SV

-

0,4

Hor

-

3531OT

Ugine

32T 299000 5082600

BA9

Col de Cenise

1750

1750

D

-

-

-

-

3430ET

Bonneville

32T 302500 5099000

BA10

Col sud de l'Aulp

1420

1470

SV

3

0,2

Hor

-

3431OT

Annecy- Ugine

32T 287600 5078800

BA11

Col nord de l'Aulp

1460

1510

SV

5

0,2

 

-

3431OT

Annecy- Ugine

32T 287600 5079000

BA12

Col des Nantets

1440

1490

SV

4

0,2

Hor

-

3431OT

Annecy- Ugine

32T 287700 5080100

 

Concernant les sites caractéristiques du massif Bornes-Aravis, nous pouvons voir en particulier les laquets du col de Cenise.

Altitude atteinte par les glaciers dans le massif Bornes-Aravis

La massif des Bornes-Aravis

Voir avec Google Earth (coordonnées : 45°54'14" N, 6°25'24" E)

(Si Google Earth n'est pas installé sur votre poste, suivez la procédure indiquée ici)

L'étude des sites BA1, BA2 et BA9 montre que la surface des glaces, au-dessus des trois cols des Annes, de la Colombière et de Cenise, se situait aux environs de 1850 mètres. Le glacier de l'Arve, parvenu à Cluses, émettait donc par ces cols, des diffluences en direction du Grand Bornand et du Petit Bornand, à l'intérieur du massif. Cette valeur ne reflète toutefois pas exactement l'altitude du glacier de l'Arve lui-même, car il faut tenir compte de la présence de glaciers locaux accrochés aux flancs de la Pointe d'Areu et de la chaîne du Bargy.

De même, mais cette fois à l'extrémité opposée du massif, le glacier qui descendait le Val d'Arly et qui provenait lui-même d'une diffluence du glacier de l'Arve au-dessus de Megève diffluait par le col des Aravis en direction de l'intérieur du massif. La cote exacte des glaces au-dessus de ce dernier col nous est inconnue, mais les sites BA4 à 8 nous indiquent une altitude de l'ordre de 1700 mètres dans les environs de la Clusaz.

Entre les deux, le site BA3 nous fournit une cote intermédiaire de 1830 mètres près du Chinaillon. Cette dernière valeur est confirmée par l'existence du seuil de la Clef des Annes. Ce large col, situé légèrement au sud-ouest du col des Annes, est en effet horizontal, à plus ou moins 20 mètres près, sur 1200 mètres de longueur, ce qui permet de le considérer comme un seuil glaciaire. Son altitude est de 1750 mètres, la surface du glacier se situant nettement plus haut. Ces valeurs reflètent, selon nous, l'altitude de surface des glaciers rissiens.

Massif du Chablais

Pour une visite géologique détaillée du massif, cliquer ici.

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Mise à jour le Samedi, 11 Mai 2013 12:40