Les fers à cheval Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Jeudi, 04 Août 2016 08:41

Version du 14 octobre 2016

Nous avons déjà décrit dans ce site, à la page sur le modelé glaciaire, quelques formes de relief remarquables dues à l'érosion glaciaire, telles que vallées glaciaires, cirques, horns, épaulements et bien d'autres encore, en général de grandes dimensions. Mais les glaciers ont parfois donné naissance également à des reliefs de moindre importance, voire même favorisé des types de végétation remarquables.

Les façades du Vercors en sont riches, mais on peut également en rencontrer, bien entendu, dans d'autres massifs. Voyons tout d'abord les « fers à cheval ».

Nous nous sommes intéressés plus particulièrement dans ce site à la situation des glaciers lors du pléniglaciaire des glaciations. Mais certaines formes glaciaires peuvent, nous semble-t-il, avoir pris naissance lors de leurs cataglaciaires. C'est le cas en particulier des « fers à cheval » décrits ci-après. Il s'agit là de lignes d'arbres qui affectent la forme d'un demi-cercle parfaitement régulier.

Un exemple

Un tel fer à cheval se situe dans la vallée de Boussière, dans le sud du Vercors, entre les fermes Marquet et Mourras (commune de Combovin, Drôme).

Les "fers à cheval" de la ferme Marquet

Les "fers à cheval" de la Ferme Marquet
Image sensible au passage de la souris

Sur cette photo, le fer à cheval le plus visible est souligné par des pointillés bleu foncé. Un second fer à cheval, incomplet celui-là, est souligné par un pointillé bleu clair. En pointillé jaune, les alignements de pierres et de petits buis explicités dans la page sur les broues.

La ligne d'arbre qui constitue le fer à cheval, visible sur la vue aérienne Geoportail au 1/8531 ci-dessus, ne l'est pas depuis le sol. Elle n'est pas non plus visible sur la carte IGN au 1/25 000. Son altitude est de 750 mètres. Nous avons pu constater sur le terrain que les arbres ont poussé de manière naturelle sur un cordon de pierres en forme de demi-cercle. La pureté géométrique de ce fer à cheval évoque à nos yeux une langue glaciaire.

De plus on remarque, aussi bien sur les vues aériennes que sur le terrain, qu'en prolongement du demi-cercle, existent plusieurs alignements de pierres, également d'une pureté géométrique, colonisés par de petits buis d'une hauteur d'un mètre environ. Ces alignements sont ponctués de place en place par de petits clapiers. 

Cette photo montre bien l'existence de plusieurs alignements de petits buis...

Alignements rectilignes de buis dans la vallée de Boussière (Drôme)

... que jalonnent de place en place de petits clapiers, tel celui-ci.

Alignements rectilignes de clapiers dans la vallée de Boussière (Drôme)

En prolongeant vers le nord ces alignements de pierres, on parvient à l'arête qui limite à l'ouest la vallée de Boussière, à l'altitude de 770 mètres, valeur bien cohérente avec celle de 750 mètres au fer à cheval, situé à 350 mètres de distance.

Nous pensons donc que ce fer à cheval, ainsi que les alignements de pierres sont des vestiges des moraines frontale et latérales d'une langue glaciaire émise par le lobe du glacier de l'Isère lorsqu'il envoyait une partie de ses glaces franchir le Pas de Boussière. Ces vestiges constituent donc le type de formations glaciaires que nous avons dénommées broues dans une autre page de ce site.

Hypothèse de formation

Au pléniglaciaire du Mindel, l'altitude des glaces du lobe lorsqu'elles franchissaient le pas de Boussière étaient, nous l'avons dit ici, quelque peu supérieure à 1000 mètres. Toute la vallée de Boussière se situait sous les glaces et aucun dépôt ne pouvait se produire sur le fond d'auge de ce glacier. Le fer à cheval, qui s'élève à 750 mètres d'altitude, n'a donc pas pu se former à ce moment, ni d'ailleurs avant le pléniglaciaire, auquel cas il aurait été détruit lors de celui-ci.

Mais, au cataglaciaire, le niveau des glaces du lobe s'étant abaissé, il en a été de même dans la vallée de Boussière ; c'est alors que, lorsque le niveau des glaces du lobe ayant atteint une altitude un peu supérieure à 770 mètres, le franchissement s'est réduit à une petite langue glaciaire, dont les vestiges de la langue frontale abritent actuellement les arbres du fer à cheval. Remarquons au passage que la carte IGN au 1/25 000 indique à cet endroit l'existence d'un sol à pierres éparses.

Autres exemples

Ces fers à cheval de la ferme Marquet ne sont pas les seuls de cette partie du Vercors. Un autre se situe aux environs du col Jérôme Cavalli, toujours dans le sud du Vercors.

Le fer à cheval des Gaudilles, au col Jérôme Cavalli (Drôme)

C'est le fer à cheval des Gaudilles, dont les coordonnées sont 5° 06' 57 E / 44° 49' 46 N, l'altitude 850 mètres et le diamètre environ 300 mètres.

Le fer à cheval des Gaudilles, au col Jérôme Cavalli (Drôme)

Comme à la ferme Marquet, il s'agit ici d'une rangée d'arbres ; toutefois ceux-ci ont été plantés de main d'homme contre un cordon de rochers haut d'une dizaine de mètres, bien visible sur le terrain ; c'est la photo aérienne ci-dessus qui révèle sa forme en demi-cercle parfait. Nous pensons que ce talus est un vestige de la moraine frontale d'une petite langue glaciaire.

Le tracé de cette langue peut assez facilement être discerné de nos jours sur le terrain, de même que sur la carte IGN au 1/25 000. On peut alors voir que cette langue prenait naissance à 1000 mètres environ sur la crête de Côte Blanche et qu'elle était due à un franchissement de cette crête par les glaces du glacier de Léoncel / Col de Bacchus qui s'écoulait derrière elle. Mais, au pléniglaciaire du Mindel, la glace sur le col Jérôme Cavalli atteignait une altitude de 950 mètres ; l'emplacement du fer à cheval des Gaudilles se trouvait donc sous les glaces et aucun dépôt ne pouvait s'y produire.

Nous pensons donc que, d'une manière analogue à celle qui a donné naissance au fer à cheval de la ferme Marquet, le dépôt du cordon de rochers des Gaudilles s'est produit au cataglaciaire du Mindel. Durant cette période, lors de l'abaissement général du niveau des glaciers, le flux du col Jérôme Cavalli s'est, en effet, du fait de sa moindre inertie, tari avant celui du glacier de Léoncel / Col de Bacchus, ce qui a laissé le champ libre à la langue glaciaire pour atteindre les Gaudilles.

Les traces de ce franchissement, encore visibles de nos jours dans le versant col Jérôme Cavalli, sont indiquées par des flèches sur la photo suivante.

Image sensible au passage de la souris

Un dernier exemple, dans la région de Die (Drôme), figure déjà dans notre page sur le Serre Chauvière.

Un fer à cheval sur le Serre Chauvière, dans le Diois (Drôme)

La photo aérienne de Geoportail montre bien la forme en arc de cercle de la ligne d'arbre
ainsi que les blocs rocheux qui s'y situent

Autres formes glaciaires caractéristiques

Sans être exhaustifs, citons entre autres :

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Mise à jour le Mercredi, 09 Août 2023 16:35