Les montronds Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Jeudi, 04 Août 2016 08:41

Version du 24 novembre 2016

Les montronds, ces sommets de forme conique

Empruntant la route départementale D1075, le voyageur est toujours étonné par la forme, en cône très régulier, d'une colline située à côté du village de Montrond, entre Eyguians et Serres (Alpes-de-Haute-Provence).

Le voici, vu depuis la rive droite du Büech

Le cône très régulier du sommet de Montrond

Le sommet visible sur la droite de la photo est la Montagne de l'Aup (ou de Saint Genis), qui culmine à 1432 mètres.

La forme très régulière de cette colline est encore plus visible sur la carte IGN au 1/25 000, qui montre que son sommet se situe à 822 mètres.

Carte au 1/25 000 du cône régulier du sommet de Montrond

Nous avions déjà observé de tels sommets de forme conique en d'autres lieux des Alpes dauphinoises et nous avions attribué leur formation à l'érosion provoquée par la rencontre de deux flux de glace de directions différentes et d'importances variables dans le temps. Dans ce cas, en effet, l'écoulement de la glace est moins stable et plus complexe que dans le cas d'un glacier de vallée, dans lequel le flux de glace, s'il peut varier en importance, est toujours dirigé dans le sens de la vallée, ainsi donc que l'érosion produite par ses eaux glaciaires.

Il n'en est pas de même lorsque deux flux de glace confluent car l'érosion, par la glace et les eaux glaciaires, d'un relief situé près de la confluence peut s'exercer, à une altitude variable sur tous les versants du relief.

Tous les sommets de forme conique que nous avons étudiés présentent en commun la particularité de se situer à la confluence de deux glaciers. Ils ont donc pu avoir été attaqués par des eaux glaciaires latérales provenant de chacun des deux glaciers, simultanément ou à des moments différents. Selon nous, ce sont ces eaux glaciaires s'écoulant selon des directions variées qui ont donné à ces reliefs leur forme en cône, parfois très régulier.

C'est bien le cas ici, car cette colline 822 se situait, au Mindel, à la confluence de deux glaciers de vallées, celui du Buëch et celui de la Durance. Ces deux glaciers se rencontraient à une altitude de l'ordre de 1500 mètres au pléniglaciaire de cette glaciation ; la colline était alors entièrement noyée sous les glaces. Plus tard, au cataglaciaire, le niveau des glaces s'étant abaissé, les eaux glaciaires latérales des deux glaciers ont atteint le relief sous-jacent et leur érosion s'est exercée, au fil du temps, sur tous les versants de la colline 822. Ceci a entraîné la formation d'un relief de forme conique : le sommet est devenu un montrond, nom générique  par lequel nous désignerons ces sommets de forme conique.

Notons qu'il ne faut pas confondre les montronds, reliefs modelés au cours du cataglaciaire d'une glaciation, avec les reliefs arasés lors du pléniglaciaire. L'érosion qui a créé ces derniers n'a rien de commun avec celle qui a engendré les montronds :

  1. La première de ces deux formes d'érosion, celle qui a arasé les reliefs, s'est exercée durant le pléniglaciaire, en l'absence donc d'eaux glaciaires, sur un relief qui émergeait alors de la surface du glacier.

    Si la partie du relief située au-dessus de la surface glaciaire n'était pas trop importante, elle l'a détruite complètement et a arasé le relief au niveau de la surface glaciaire. Si, par contre, la partie du relief située au-dessus de la surface du glacier était importante, elle s'est bornée à y créer des épaulements, selon le processus que nous avons décrit à la page sur la formation des épaulements.

  2. Au contraire, la seconde forme d'érosion, celle qui a donné leurs formes coniques aux montronds, s'est produite ultérieurement, au cours du cataglaciaire.

Un sommet a pu être arasé lors du pléniglaciaire, mais, s'il n'est pas proche d'une confluence de glaciers, il n'a, par la suite, subi que l'érosion habituelle par un glacier de vallée. C'est le cas le plus fréquent. Mais s'il se situait à proximité d'une confluence, il a pu, au cataglaciaire, être sujet, ultérieurement, à une érosion telle que décrite quelques lignes plus haut et donc prendre la forme d'un montrond.

Ces deux formes d'érosion ont donc pu s'exercer sur un même relief, soit indépendamment l'une de l'autre, soit l'une après l'autre.

Nous citerons ici le cas des montronds du Serre du Sec et de ceux de Costadon. Dans ces deux cas, l'action successive des deux formes d'érosion qui viennent d'être décrites explique à la fois l'égalité d'altitude de leurs sommets et leur forme conique de montrond.

Les montronds du Serre du Sec

Dans la page la façade sud ouest du Vercors, nous avons déjà évoqué cet ensemble de treize collines, situées dans le secteur du Serre du Sec (Vercors, Drôme). Nous avons décrit leur formation lors du pléniglaciaire du Mindel et noté qu'il s'agissait là de reliefs arasés lors du pléniglaciaire. Mais on remarque, de plus, que les treize sommets de ce secteur, représentés sur la carte au 1/ 25 000 ci-dessous, présentent presque tous des formes en cônes, parfois très réguliers. Ce sont donc des montronds.

Série de sommets coniques dans le secteur du Serre du Sec (Vercors, Isère)

Selon nous, la forme conique de ces montronds résulte, comme nous l'avons dit ci-dessus, de l'érosion causée par les eaux glaciaires de deux flux de glace. Ces flux ont été décrits à la page la façade sud ouest du Vercors (flux A provenant du franchissement sur le col de Tourniol et ses environs et flux A2 originaire du glacier de Léoncel / Col de Bacchus).

Or, le flux A prend naissance à partir des glaces du lobe de l'Isère, alors que le flux A2 provient essentiellement des glaciers des sommets sud du Royannais. À leur confluence dans le secteur du Serre du Sec, les surfaces des deux flux se situaient, certes, au même niveau, mais leurs régimes étaient différents. Au fil du temps, c'était tantôt l'un, tantôt l'autre, qui prédominait et l'érosion par les eaux glaciaires se produisait selon des directions variables. Tous les facteurs étaient donc réunis pour donner naissance ici à un ensemble de montronds.

Les montronds de Costadon

Voici un dernier exemple d'un tel groupe de montronds situé à proximité de Vaulnaveys - La Rochette (Drôme), groupe qui compte sept sommets de ce type, culminant tous à la même altitude de 315 mètres, à quelques mètres près.

Groupe de sommets de forme conique, près de Vaulnaveys-La Rochette (Drôme)

Ici également, on remarque que ce groupe de sommets se situe à la confluence de deux flux de glace, celui du lobe de l'Isère (en cours de rédaction), orienté nord-sud, et celui provenant du glacier de la Basse Drôme, sensiblement est/ouest.

Dans certains cas, par exemple selon les différences de nature entre les roches qui composent le montrond ou encore si les deux flux glaciaires étaient d'importances très différentes, certains d'entre eux n'ont pas acquis la forme parfaitement régulière d'un cône à base circulaire.

C'est le cas du Ménil, proche de Tréminis (dans le Trièves, en Isère), dont la forme conique, vue de la la route R1075 qui mène au col de la Croix Haute est particulièrement remarquable. Dans ce cas du Ménil, un des flux glaciaires était celui du glacier de la vallée du Drac, alors que l'autre provenait des pentes ouest du chaînon Grande Tête de l'Obiou/Grand Ferrand, de régime très différent.

Le sommet conique du Ménil près de Tréminis en Isère

Geoportail

Nous ne décrirons pas le cas de trois autres montronds situés près du lac de La Thuile (Savoie), laissant au lecteur le soin de déterminer la provenance des flux de glace qui leur ont donné naissance.

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Mise à jour le Dimanche, 12 Août 2018 18:20