Les Gorges du Baconnet |
Écrit par Claude Beaudevin | |||||||||||||||||||||||||||||
Mercredi, 15 Septembre 2010 18:13 | |||||||||||||||||||||||||||||
Cette photo, due, ainsi que leur commentaire géologique, à Maurice Gidon, montre bien que la gorge supérieure « zone à patine grise » se prolonge vers le bas à l'intérieur de la chalanche « zone de ravinement ». Le mode de formation de ce relief impressionnant n'est pas évident. La chalanche est une forme d'érosion régressive, c'est-à-dire "per ascensum". Mais, classiquement dans le cas d'un massif subalpin à niveaux calcaires répétés comme celui-ci, cet entonnoir d'érosion "remontante" tend à se terminer vers le haut sous une barre rocheuse. Ce mode de formation ne semble donc pas pouvoir expliquer l'existence de la gorge supérieure, qui entame la barre tithonique. Un écoulement torrentiel ne semble pas non plus envisageable, faute d'un entonnoir d'alimentation situé sur le versant opposé des Rochers du Baconnet, une cuesta en pente vers l'ouest . Une hypothèse nous paraît pouvoir expliquer la formation des Gorges par intervention de deux processus d'érosion successifs. Pour ceci il nous faut considérer le versant opposé des Rochers du Baconnet, en pente vers l'ouest, de 1809 m au sommet de la crête à 1280 m en bas de la pente. Aucun écoulement d'eau n'a donc pu en provenir, qui ait pu donner naissance à la gorge supérieure. La seule possibilité reste un flux d'eaux glaciaires au cours d'une glaciation. Or le Trièves n'était pas englacé au cours du Würm et, durant le Riss, le niveau du glacier dans le bassin du Drac s'élevait, à cet endroit, à 1400 m environ seulement. Il faut donc remonter plus loin dans le temps pour trouver une glaciation susceptible d'avoir atteint la Baisse du Baconnet.
Nous disposons ici de plusieurs sites, témoins de l'avancée de ce glacier de la glaciation maximum.
En absorbant tout ou partie des eaux glaciaires de ce secteur du front du glacier, nous pensons que ce gouffre a évité la formation, sous la brèche de Cognières, d'un ravinement comparable à celui des Gorges du Baconnet. D'autres sites sont les suivants :
La situation de ces sites témoins peut être consultée sur le tableau suivant. En ajoutant, pour obtenir la surface du glacier, une cinquantaine de mètres à l'altitude de ces sites témoins, il nous semble donc probable que les glaces s'élevaient, contre le versant ouest des Rochers à une altitude certainement suffisante, cette fois, pour que les eaux glaciaires puissent parvenir à 1780 m à la Baisse et la franchir. Nous pensons que ce sont ces eaux glaciaires s'écoulant pendant le pléniglaciaire - et uniquement pendant celui-ci - qui ont créé, dans le versant est des Rochers du Baconnet, un ravin descendant jusqu'en bas de la pente. De ce ravin le seul vestige visible de nos jours est la gorge supérieure des Gorges du Baconnet. Selon ce schèma, l'écoulement des eaux par la Baisse du Baconnet s'est donc limité au pléniglaciaire La Molière. Il cessait dès que le niveau du glacier avait légèrement baissé, et à plus forte raison, au cours des glaciations qui ont suivi. Ceci explique que la forme de la Baisse n'est pas exactement conforme à ce que provoquerait le stationnement prolongé d'un écoulement : normalement, une telle érosion prolongée fait reculer la falaise et l'abaisse selon le pendage des couches, autrement dit l'entaille en V.
Le long espace de temps qui nous sépare de la glaciation maximum, explique également la disparition d'éventuelles empreintes d'action des eaux dans les parois de la gorge supérieure. Ultérieurement, le ravinement a dû servir d'amorce à la création, par érosion régressive, de la chalanche. Après avoir connu sans doute des périodes de latence - en particulier pendant les glaciations ultérieures - cette chalanche s'est développée lors des interglaciaires jusqu'à atteindre les dimensions que nous lui voyons actuellement. Certes, ce mode de formation n'est qu'hypothétique, mais il nous semble pouvoir expliquer toutes les particularités de ce relief peu commun.
Voici un autre exemple de chalanche d'origine glaciaire, le «ravin de Farnaud», situé au sud de l'épaulement de Berrièves sur le versant est du Rocher de Séguret (Crêt oriental du Vercors).
Le mode de formation pourrait avoir été le suivant : les eaux glaciaires qui coulaient sur la rive droite de ce glacier affluent ont franchi l'épaulement près de son sommet et se sont déversées sur son versant sud. Elles ont entraîné la formation d'un ravin, ultérieurement repris par l'érosion postglaciaire sous forme d'une chalanche. La prise en compte de la seule érosion régressive postglaciaire, sans faire appel à des actions glaciaires, suffit à expliquer la forme et les dimensions de la chalanche du ravin de Farnaud, mais non le fait qu'il culmine à proximité immédiate du sommet de l'épaulement, c'est-à-dire au niveau de la surface glaciaire.
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Mise à jour le Lundi, 08 Janvier 2018 12:40 |