La basse vallée de la Bonne Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Mardi, 09 Novembre 2010 19:45
Version 107

Les versants d'érosion de la basse vallée de la Bonne

Dans les environs immédiats de la Mure (Isère), au confluent de la Bonne avec le Drac, on peut observer deux versants d'érosion typiquement glaciaires :

  1. celui du Bois Ribay, rive gauche du Drac, en face du débouché de la Bonne, légèrement en aval du barrage de Saint-Pierre-Cognet et du pont de Ponsonnas,

  2. celui des Arssays, rive droite de la Jonche, 1 km au sud du village de Prunières. Il est traversé, dans sa partie haute, par la route départementale 116 de Prunières à St Arey.

Sur le croquis ci-dessous, où figurent ces versants d'érosion 1 et 2, nous avons également reporté le tracé de la langue terminale du glacier de la Bonne au maximum du Würm.

Le débouché du glacier de la Bonne dans la vallée du Drac

Précisons tout d'abord la situation des lieux.

À sa sortie de l'ombilic du Valbonnais, le glacier de la Bonne s'étalait dans les environs de la Mure et sa langue terminale parvenait jusqu'au Drac en suivant sensiblement le cours de la Bonne actuelle. Il barrait alors le talweg du Drac, retenant ainsi en amont le lac du Beaumont. Vers l'aval du Drac, le glacier parvenait aux environs immédiats du lac du Trièves, dans lequel il plongeait peut-être.

Voir à ce sujet la page sur les lacs du bassin du Drac.

Nous pensons que l'existence des deux versants d'érosion peut s'expliquer par la présence du lac du Beaumont et le tracé de sa langue glaciaire et de ses moraines latérales. Examinons pour commencer le cas du versant du Bois Ribay, où le rôle de premier plan joué par les eaux latérales dans la création des versants d'érosion nous paraît évident.

 

Le versant d'érosion du Bois Ribay

Le versant d'érosion du Bois Ribay dans la vallée du Drac

On remarque que la cote supérieure de cette érosion du Bois Ribay est la même que celle du lac würmien du Beaumont (870 m), telle qu'elle résulte de l'altitude des terrasses du Beaumont.

Le versant d'érosion du Bois Ribay dans la vallée du Drac

Une autre vue de cette érosion de versant. Celle-ci - réactivée peut-être par l'ouverture de la route - est encore active, ce qui a nécessité ultérieurement la construction d'une galerie de protection...

Nous proposons l'explication suivante de la formation de ce versant d'érosion : plaçons-nous au Würm, car il semble impossible que cette forme, d'importance somme toute limitée, puisse être plus ancienne. Le glacier de la Bonne se terminait alors par la classique falaise de glace subverticale tombant dans les eaux du lac et par des moraines lorsqu'il était en contact avec les flancs de la vallée. Voir ici des exemples de falaises de glace.

 
Le glacier Hubbard en Alaska

Voici une photo d'analogie du glacier Hubbard (Alaska), montrant que les écoulements sont repoussés contre le versant de la vallée opposé au glacier. On voit que le niveau des écoulements est inférieur à celui de la surface du glacier.

Photo USGS

De même, dans le cas du glacier de la Bonne, les eaux de surverse du lac étaient repoussées contre la rive gauche du Drac, contre laquelle elles s'écoulaient, selon la flèche rouge 1 du croquis précédent. Ces eaux circulant entre le glacier (ou sa moraine frontale) et le versant, à une altitude inférieure à 870 m (lac du Beaumont au maximum du Würm) ont, selon nous, initié la formation du versant d'érosion. Il est évidemment impossible de savoir à quelle altitude précise, inférieure toutefois à 870 m, cette action a débuté, l'érosion postglaciaire ayant, depuis, agrandi le versant d'érosion jusqu'à ses dimensions actuelles. Le lac devait être soumis parfois à des vidanges brutales, génératrices d'érosions très intenses, ainsi que l'on pourra s'en assurer à la page du glacier Hubbard au glacier de la Bonne.

En résumé, nous pensons donc que c'est l'érosion due à ce Drac du temps du Würm qui est responsable de l'initiation de ce versant d'érosion du Bois Ribay, remodelé ultérieurement jusqu'à nos jours par l'érosion postglaciaire.

 

A titre d'illustration, nous présentons ce versant d'érosion tel qu'il se présente aujourd'hui...

Voir avec Google Earth (coordonnées : 44°52'55" N, 5°47'32" E)

(Si Google Earth n'est pas installé sur votre poste, suivez la procédure indiquée ici)
(image Google Earth)
Le versant d'érosion de Bois Ribay aujourd'hui
Image sensible au passage de la souris

... et tel qu'il pouvait se présenter à un stade du Würm :

Le versant d'érosion de Bois Ribay au Würm
Image sensible au passage de la souris

Le versant d'érosion des Arssays

Ce deuxième versant d'érosion, tout proche du précédent, (il est repéré 2 sur le croquis ci-dessus) nous présente un cas de figure très voisin. Son processus de formation semble en effet assez proche de celui que nous venons de décrire pour le Bois Ribay.

Sur sa rive gauche, le glacier de la Bonne déposait en effet d'imposantes moraines latérales dont il subsiste des restes remarquables sous la forme de la moraine du Calvaire de la Mure et de la croupe de Péchaud. Entre ces moraines et le flanc droit de la vallée coulait - et coule encore à l'heure actuelle - la Jonche. Au Würm, cette rivière était beaucoup plus importante que le petit ruisseau actuel, car elle recevait l'apport des eaux glaciaires de la diffluence du glacier de la Romanche qui franchissait le Seuil de Laffrey. Appliquée par la langue terminale du glacier et sa moraine latérale droite contre le flanc de la vallée (flèche rouge 2 du croquis), la Jonche y a initié le versant d'érosion des Arssays.

La moraine de Péchaud s'élève sensiblement à 928 m d'altitude. À quel niveau coulait, en contrebas de cette moraine, la Jonche initiatrice du versant d'érosion ? L'examen d'un certain nombre de glaciers des Alpes, occupant des vallées de pente similaire, nous a fourni des valeurs de l'ordre de 50 à 150 m. Au maximum du Würm, on peut donc penser que le sommet du versant d'érosion en cours de creusement devait se situer aux environs de 800 m. Ici aussi, c'est l'érosion postglaciaire qui l'a amplifié jusqu'à atteindre, à son sommet, l'altitude actuelle de 870 m.

D'une manière analogue à celle du Bois Ribay, le versant d'érosion des Arssays nous semble pouvoir être dû à l'existence du torrent latéral qui coulait entre la moraine rive droite du glacier de la Bonne et le flanc de la vallée.

On conçoit l'intérêt tout particulier que présentent ces deux versants d'érosion : la présence d'écoulements d'eau contre la paroi y est indiscutable, alors que dans d'autres cas, elle n'est qu'hypothétique, et leurs altitudes de départ - tout au moins dans le cas du Bois Ribay - est connue avec une certaine précision. De ce fait, leur existence vient conforter notre opinion selon laquelle la formation des versants d'érosion glaciaires est due en grande partie à des circulations d'eau (eaux glaciaires et, le cas échéant, écoulements de vidanges brutales de lacs).

Remarques additionnelles

Erosion due à l'enfoncement du cours du Drac

Un peu plus bas en altitude et plus près du barrage de Saint-Pierre-Cognet, les versants de la vallée sont également l'objet d'une érosion intense et leur pente soutenue montre que leur origine n'est pas très ancienne.

Cette forme d'érosion n'appartient pas au type que nous avons étudié jusqu'à présent, car ici existent deux versants qui se font face. Ce ne sont pas non plus des versants de méandre fluviatile car le Drac coule dans une gorge encaissée.

En réalité cette érosion est due à l'enfoncement, par surimposition, du cours du Drac depuis la fin du Würm.

Notons enfin l'existence, sous le village de Ponsonnas, d'un ravin, sec à l'heure actuelle, celui de la Grande Combe, non représenté sur notre schéma. Sa formation nous paraît imputable à l'action des eaux de fonte latérales du glacier de la Bonne lors d'un stade de retrait responsable du dépôt de la petite moraine latérale du Clos du Puits. Le façonnement de ce ravin peut donc être rapproché de celle des ravines de diffluence.

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Mise à jour le Lundi, 25 Juillet 2011 13:35