Le Fil des Eaux
Les ravinements du Diois Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Lundi, 09 Novembre 2015 18:11

Version du 24 octobre 2015

Le glacier de la Drôme

Durant le Mindel, la vallée de la Drôme était occupée par des glaces provenant essentiellement de l'appareil du Valdrôme ainsi que des glaciers qui drainaient la façade sud du Vercors (glacier du Val Maravel et glacier du Bès). Ce glacier de la Drôme émettait une diffluence qui rejoignait la calotte durancienne en empruntant le col de Cabre. Un peu plus en aval, sur Beaumont en Diois, une autre diffluence se dirigeait vers le sud, via le col des Pourcieux (1102 m) et ses environs.

Ce glacier de la Drôme sera décrit plus en détail dans une page actuellement en cours de rédaction. Nous nous bornerons ici à mentionner l'altitude qu'il atteignait : voisine de 1460 m sur le col de Cabre, celle-ci s'abaissait jusqu'à 1380 m sur Beaumont en Diois, puis à 1240 m sur le Serre Chauvière, au-dessus de Montmaur en Diois. Nous pensons que ce glacier de la Drôme se terminait vers 300 m d'altitude, peu avant Saillans. Ces valeurs ont été obtenues en appliquant notre méthode des sites témoins.

La vallée de la Drôme, ainsi que celles de ses affluents, est fertile en ravinements. Nous en citerons trois.

La chalanche d'Ubac et Baux

Le ravinement le plus remarquable, par sa taille importante qui permet de le considérer comme une chalanche, est celui d'Ubac et Baux, à proximité immédiate du Serre Chauvière.

La chalanche d'Ubac et Baux

La chalanche d'Ubac et Baux dans le Diois
Photo Bruno Pisano

Cette chalanche impressionnante, large de 1600 m à sa partie supérieure, se situe 800 m au nord du sommet du Serre Chauvière, dont on aperçoit le sommet sur le côté gauche de la photo.

Le Serre Chauvière dans le Diois

Représentation Bruno Pisano

Au Mindel, le glacier de la Drôme recevait sur sa rive droite au nord de Montmaur en Diois, l'apport des glaces du glacier du Bès. Après avoir quitté « sa » vallée à Châtillon-en-Diois, celui-ci traversait en effet celle de la Drôme et venait s'appuyer sur le versant opposé, contre le Serre Chauvière.

On se trouve alors dans le cas d'un glacier de vallée recevant un affluent sur une de ses rives, cas où l'on observe fréquemment des érosions importantes sur la rive opposée. Nous avons nommé versant d'érosion glaciaire cette forme d'érosion et nous l'avons imputée à l'action des eaux glaciaires latérales des deux rives, grossies de celles de l'affluent et réunies contre ce versant.

Nous avons montré, à la page sur les traces glaciaires du Serre Chauvière que le glacier mindelien du Bès, atteignait une altitude de 1240 m contre le Serre Chauvière. C'est donc à une altitude de l'ordre de 1090 m que ses eaux glaciaires se joignaient aux à celles de la rive gauche du glacier de la Drôme, ce qui donnait naissance à un flux important d'eau contre ce versant. Nous pensons donc que cette magnifique chalanche, qui, selon la vue aérienne de Geoportail, culmine à 1095 m, en 5° 22' 02 E/44° 41' 54 N, a été initiée par les eaux glaciaires du Mindel.

On pourrait toutefois objecter que, depuis cette époque, les érosions postglaciaires auraient dû faire "remonter" le sommet de la chalanche jusqu'à une altitude supérieure à 1090 m, ce qui n'est pas le cas. Autrement dit, les érosions postglaciaires n'auraient eu aucun effet sur l'altitude du sommet de la chalanche. C'est bien ce qui s'est passé, car au-dessus de cette altitude de 1090 m, l'érosion régressive se heurtait à une couche de calcaire tithonique, roche très compétente, qu'elle ne pouvait attaquer.

Voici une vue de cette couche de calcaire tithonique, sous le sommet du Serre Chauvière.

Couche de calcaire tithonique sur le Serre Chauvière (Diois)
Photo Bruno Pisano

Par contre, en dessous de cette couche de calcaire, l'érosion régressive pouvait s'exercer latéralement, ce qui, peut-être, peut expliquer la grande largeur de la chalanche.

 

Les ravinements de Ruinas Blanc et des Mias

Ces deux ravinements se situent au-dessus de Jonchères, dans la vallée de la Béous, affluent de la Drôme, qu'elle rejoint près de Luc en Diois.

Les ravinements de Ruinas Blanc et des Mias dans le Diois

Les ravinements de Ruinas Blanc et des Mias

Les ravinements de Ruinas Blanc et des Miais dans le Diois

Au centre de la photo, due à Maurice Gidon, le ravinement de Ruinas Blanc. À l'arrière-plan, le massif des Trois Becs. À l'extrême droite le ravinement des Mias.

Le sommet du ravinement de Ruinas Blanc se situe à 1505 m, en 5° 22' 45 E/44° 34' 26 N. L'altitude du glacier de la Drôme au Mindel était ici de l'ordre de 1380 m, valeur obtenue en appliquant la méthode des sites témoins. Dans notre hypothèse de création des ravinements par les eaux glaciaires latérales, celles du glacier mindelien s'écoulaient donc ici aux environs de 1230 m. Il en résulte que l'érosion postglaciaire s'est donc élevée à 270 m environ.

On pourrait s'étonner de trouver ici une érosion postglaciaire aussi importante, très supérieure à celles que nous avons rencontrées pour tous les ravinements étudiés. L'examen de la photo aérienne précédente ainsi que de celle qui suit donne la clé du problème : la partie supérieure du versant est formée, non par des terrains ravinés, mais par une paroi quasi verticale qui s'élève au-dessus des pentes inférieures qui, elles, culminent à une altitude de l'ordre de 1270 m à 1300 m.

Nous pensons que, dans ce cas particulier, l'érosion postglaciaire résulte de l'addition, aux érosions habituelles par les eaux courantes et les eaux météoriques, du jeu d'une faille qui s'est traduit par la création de la falaise sommitale. Ceci ramène l'érosion postglaciaire à une valeur plus habituelle de l'ordre de 40 à 70 m. La photo suivante montre bien la falaise qui domine le ravinement.

Le ravinement de Ruinas Blanc sous la Montagne de Boutarinard dans la Drôme

Le ravinement de Ruinas Blanc dans le Diois
Photo Bruno Pisano

Nous pensons en effet que cette falaise doit son existence à l'une des failles du réseau représenté sur la carte géologique suivante :

Les ravinements de Ruinas Blanc et des Mias dans le Diois

Représentation Bruno Pisano

Ce réseau de failles nous semble également responsable de l'abaissement à 1440 m environ de la crête qui domine le ravinement des Mias, ainsi que du creusement, sur le versant ouest de la montagne, du vallon de la Luine, orienté sud-nord sous la Tête des Faux et profond d'une centaine de mètres.

Le ravinement des Mias sous la Tête des Faux dans la Drôme

Le ravinement des Mias dans le Diois
Photo Bruno Pisano

Situé en 5° 23' 16 E/44° 35' 21 N, 1800 m seulement en aval de celui de Ruinas Blanc, le ravinement des Mias culmine à 1380 m. Le glacier de la Drôme s'élevait ici à une altitude de l'ordre de 1360 m, altitude très légèrement inférieure à celle atteinte par le ravinement de Ruinas Blanc. Toujours selon notre hypothèse, il a été initié, comme son voisin de Ruinas Blanc, par les eaux glaciaires latérales du glacier de la Drôme, coulant aux environs de 1210 m, d'où une érosion postglaciaire de 170 m, valeur assez élevée mais peut-être due en partie à l'existence de la faille évoquée plus haut et à la fragilisation du terrain qu'elle a entraîné.

Nous pensons donc que ces deux ravinements, Ruinas Blanc et Mias, peuvent donc eux aussi être considéré comme avoir été initiés par les eaux glaciaires latérales du glacier du Mindel.

Le ravinement de l'arête nord-ouest du Serre la Chaud

Nous terminerons en citant un ravinement modeste, dont les dimensions sont bien inférieures aux précédents puisque sa largeur est seulement de 150 m, mais qui présente un intérêt particulier.

Le ravinement de Serre la Chaud dans le Diois

Représentation Bruno Pisano

Le versant nord-est de cette arête porte un ravinement (en pointillés bleus), en 5° 27'39 E/44°32'37 N, dont le sommet se situe sur sa crête, à l'altitude de 1315 m.

Le ravinement de Serre la Chaud dans le Diois

Les altitudes des sites témoins proches du Serre la Chaud, en particulier le sommet d'épaulement (X) de son arête nord-ouest qui cote 1350 m en 5° 27' 57.7 E/ 44° 32' 30.5 N) nous amènent à évaluer à 1400 m environ l'altitude de surface de la diffluence du glacier de la Drôme au-dessus de cette arête. Les eaux glaciaires latérales de cette diffluence s'écoulaient donc à une altitude de l'ordre de 1250 m, qui est d'ailleurs l'altitude de la base du ravinement. On peut donc estimer à 60 m environ l'érosion postglaciaire.

Mais le versant sud-ouest de cette arête du Serre la Chaud porte un relief tout aussi intéressant, un ensemble de ravinelles (en pointillés jaunes), situé exactement à l'opposé du ravinement du versant nord-est, ainsi que le montre la vue aérienne suivante. Cette vue, prise de l'ouest, montre bien le relief de cet ensemble de ravinelles.

Les ravinelles du Serre la Chaud dans le Diois

Les ravinelles du Serre la Chaud dans le Diois
Image sensible au passage de la souris
Représentaion Bruno Pisano

Nous pensons que, lorsque le niveau des glaces s'élevait à 1400 mètres, la crête était franchie par un débordement ponctuel, c'est-à-dire que la tranche supérieure de la glace franchissait la crête, accompagnée par les eaux de surface qui s'écoulaient dans les premiers mètres sous la surface du glacier. Ce sont ces eaux de surface ainsi que la fonte de la glace du débordement qui ont créé ces ravinelles, selon un mode de formation que nous avons déjà souvent rencontré en pareil cas.

Autres ravinements des vallées du Diois

Les vallées du Diois sont particulièrement riches en ravinements et nous ne pouvons pas les décrire tous par le menu. Aussi nous bornerons–nous à citer les principaux.

      • Les ravinements de Barsac, vallée dont la totalité du versant nord est occupée par une dizaine de chalanches coalescentes sur une largeur totale de 2800 m, ce qui en fait le ravinement le plus important que nous ayons rencontré. Ici également, l'altitude de leurs sommets montre qu'elles ont été créées lors du Mindel.

Les ravinements de Barsac dans la Drôme

Les chalanches de Barsac dans la Drôme

 

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Mise à jour le Mercredi, 13 Janvier 2016 17:09