Des glaciations si anciennes... Imprimer
Écrit par Claude Beaudevin   
Vendredi, 26 Février 2010 12:46
Version 90

Bien avant les glaciations du quaternaire, la Terre a connu d’autres périodes de froid pendant lesquelles la glace recouvrait une surface plus ou moins grande du globe. Des tillites (moraines consolidées) ainsi que des roches moutonnées ou striées peuvent être retrouvées sur tous les continents, les plus anciennes (en Europe et Amérique du Nord) remontant au Huronien (2,3 milliards d’années).

La terre boule de neige

Au protérozoïque supérieur, la Terre a subi trois glaciations de 100 Ma échelonnées de 900 à 600 Ma au cours desquelles elle semble avoir été temporairement totalement englacée.

Cette théorie, initiée en 1998 par P. Hoffman et D. Schrag et basée sur les variations du rapport des deux isotopes du carbone 12C et 13C contenus dans des roches formées à cette époque, est celle de la Terre boule de neige (Snowball Earth).

Une équipe franco-américaine dirigée par Yannick Donnadieu (CNRS, Gif sur Yvette) propose une explication de ce phénomène dans la revue Nature du 18 mars 2004. La cause de ces glaciations résiderait dans une diminution très importante du gaz carbonique de l'atmosphère et donc de l'effet de serre bien connu, diminution due elle-même au mouvement des continents engendré par la tectonique des plaques.

Sous l'effet de points chauds volcaniques, la Rodinia, super continent qui se situait alors sous l'équateur, a commencé à se fracturer il y a 800 millions d'années. Cette fracturation, qui devait donner naissance à l'Australie et à l'Antarctique actuelles s'est accompagnée d'énormes expansions de laves basaltiques, des trapps, dont l'érosion est grosse consommatrice de gaz carbonique.

Par ailleurs, une partie du gaz carbonique de l'atmosphère, entraîné par des pluies plus abondantes, a été piégé dans les carbonates des sédiments marins. L'effet de serre causé par le gaz carbonique a donc diminué et la température à la surface de la Terre s'est abaissée ; les glaces sont descendues progressivement en latitude, entraînant une augmentation de l'albédo terrestre, et la température moyenne du globe est tombée jusqu'à -40 degrés (-20 degrés à l'équateur et -80 degrés aux pôles, selon Yves Goddéris).

Ce sont les volcans, par le gaz carbonique qu'ils émettent – et sans doute aussi par leurs poussières qui ont modifié l'albédo – qui, ultérieurement, ont permis à notre Terre de retrouver un climat plus clément.

Toutefois, cette théorie ne fait pas l'objet d'un consensus, certains chercheurs estimant que les variations du rapport 12C/13C peuvent avoir d'autres explications.

Une nouvelle confirmation de l'hypothèse « Terre boule-de-neige » vient cependant d'être apportée par des chercheurs de l'Université de Vienne (Autriche). La mesure des teneurs en iridium de roches d'Afrique centrale a permis de dater cet événement de 600 millions d'années et d'estimer sa durée de 3 à 12 millions d'années.

L'existence d'un fin niveau de sédiments très enrichis en iridium laisse penser que cet élément, apporté par les poussières météoritiques qui arrosent en permanence la Terre, se serait déposé sur la glace qui recouvrait les océans équatoriaux (La Recherche, juin 2005).

On se référera à un site consacré à cette théorie de La Terre Boule de Neige, qui offre des images étonnantes et dont nous avons extrait le document suivant.

Bloc strié daté du Protérozoïque supérieur

Ce bloc strié date de ces glaciations du Protérozoïque supérieur.

... et a l'ordovicien

Calotte glaciaire de l'Ordovicien

Plus près de nous, on notera en particulier une ère glaciaire, qui a duré un million d'années seulement, à la fin de l'Ordovicien (500 à 435 millions d'années).

Le pôle Sud se trouvait alors au Sahara, où des dépôts morainiques datant de cette époque ont été découverts. La Jordanie, où l'on trouve également des formes glaciaires, se situait en bordure de cet « Antarctique » du Gondwana.

En grisé, la calotte glaciaire.

Brian R. Turner et al (2005), d'après Sutcliffe et al, 2000

Quelques compléments d'information sont peut-être nécessaires...

Certains d'entre vous pourraient s'étonner, en effet, que des formes datant de 440 millions d'années aient pu subsister jusqu'à nos jours. Les exemples ne manquent pourtant pas de formes d'érosion ayant traversé les ères géologiques sans grandes modifications, en dépit des déformations tectoniques. Nous citerons seulement ici :

  • le canyon sous-marin, creusé par les écoulements gravitaires dans le "slope fan" (cône de déjection à l'avant d'une barrière récifale), visible sur le rebord de la corniche urgonienne – donc crétacée – du Vercors, près de Tête Chevalière,

  • l'érosion karstique (lapiaz) de l'ancienne "île briançonnaise", que l'on peut observer en de nombreux sites du Briançonnais et qui datent du Jurassique.

Pour prouver qu'une telle conservation est possible, rendons-nous au Sahara et référons nous en particulier à l'excellent ouvrage « Biographie d'un désert » de Pierre Rognon. Le désert en question est en effet le Sahara.

Comme le montre la carte ci-dessus, celui-ci se situait, à la fin de l'Ordovicien, dans une position comparable à celle de l'actuelle Antarctique par rapport au pôle sud de l'époque. L'inlandsis recouvrait alors 13 millions de km², soit la superficie de l'Antarctique. Il s'étendait du sud du Sahara à la Lybie, de la Mauritanie à l'Arabie (Francis Lethiers).

Or, on trouve encore actuellement au Sahara de très nombreuses formes glaciaires fossiles : stries, roches moutonnées, ombilics, verrous, drop stones, moraines, dépôts glaciaires, lœss, figures d'ice streams, etc. On peut en particulier y observer un esker, celui de Zarga, haut d'une centaine de mètres et long de 50 km. On y rencontre également "des vallées profondes encadrées par des versants très raides".

Ces formes glaciaires ont donc pu franchir plus de 400 millions d'années sans altération trop importante, bénéficiant d'une "exceptionnelle conservation", même en ce qui concerne les plus fragiles d'entre elles, les stries.

La fonte de la calotte glaciaire à la fin de l'Ordovicien a restitué aux océans des volumes d'eau considérables. Comme à la fin des glaciations quaternaires, cette fonte massive a entraîné une forte remontée du niveau marin et le Sahara a été progressivement envahi par la mer du Silurien.

Puis, du Dévonien au Quaternaire, il a été soumis à des alternances d'émersion et d'immersion, de climats humides et de climats secs.

Haut de page
 

Mise à jour le Lundi, 01 Janvier 2018 18:14