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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Les sommets arasés lors du pléniglaciaire PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Jeudi, 04 Août 2016 08:41

Version du 17 décembre 2017

Nous avons expliqué la formation des épaulements en décrivant le rôle important tenu par la gélifraction et le transport des débris par le glacier, action globale que nous avons réuni sous l'appellation « érosion par Gélifraction et Transport par le glacier » ou, plus simplement érosion GT.

 

Rappelons la définition que nous avons donnée d'une érosion GT.

Au cours du pléniglaciaire, lorsque le niveau atteint par les glaciers est maximum et où il n'existe pas ou extrêmement peu d'eaux glaciaires coulant à cette altitude, seules jouent l'érosion périglaciaire par gélifraction et celle due à la glace :

            • l'érosion par gélifraction, due à la succession du gel et du dégel des parties émergées, qui fragmente les rochers et dont les produits tombent sur la surface du glacier,

            • les actions dues à la glace elle-même, qui se résument ici essentiellement au transport et à l'évacuation de ces débris par le glacier.

 

Par ailleurs, certains sommets, après avoir été arasés lors du pléniglaciaire, ont été ultérieurement, au cataglaciaire, modelés, cette fois par l'action des eaux glaciaires, qui leur a donné une forme conique, celle d'un montrond.

Voici maintenant, après les épaulements, le second type de reliefs que l'on peut imputer à l'action de l'érosion GT.

Si la surface glaciaire s'est maintenue assez longtemps à la même altitude, si, donc, l'action de l'érosion GT sur un relief a duré suffisamment longtemps, les parties de parois qui émergeaient de la glace ont pu disparaître en totalité. À leur place, l'érosion GT a engendré un plateau à surface horizontale ou peu inclinée, parfois de taille importante. Ceci a pu se produire lors du pléniglaciaire de chacune des trois glaciations. Nous avons nommé « sommets arasés au pléniglaciaire » ces reliefs à dominante horizontale.

Parfois, l'érosion GT n'a pas disposé d'un temps suffisant pour araser complètement un relief ; elle peut ainsi avoir laissé subsister une petite partie du relief antérieur, que nous avons nommée « chicot ».

Voici quelques exemples de sommets arasés au pléniglaciaire, en général au pléniglaciaire du Mindel.

Les deux sommets des environs de La Mure

Le premier exemple se situe aux portes de Grenoble, près de La Mure (Isère). Il est constitué par les deux sommets voisins du Sénépy (1769 m) et de La Peyrouse (Montagne du Conest) (1710 m), qui bordent à l'ouest le plateau de la Mathésine (Isère).

Les pages de notre site consacrées au glacier du Drac pendant le Mindel, en particulier le graphique de l'altitude de la surface glaciaire au pléniglaciaire du Mindel entre le col Bayard et Grenoble, mentionne les sites témoins DM14, DM16 et DM17.

Le site témoin DM14, un sommet d'épaulement, se situe à 1760 mètres sur l'arête nord ouest du Sénépy. Les deux autres sites témoins sont deux dépôts morainiques parallèles qui flanquent le sommet de La Peyrouse : DM16 à 1680 m sur son versant est et DM17 à 1690 m, sur son versant ouest.

Voici le site DM16 du versant est, qui surplombe le plateau de la Mathésine où l'on aperçoit un des lacs de Laffrey...

Le sommet d'épaulement  sur l'arête nord ouest du Sénépy

... et, à peu près symétriquement par rapport au sommet de La Peyrouse,

le site DM17 à 1690 m d'altitude, avec, à l'arrière-plan, les falaises qui limitent le massif du Vercors.

Les sites témoins de La Peyrouse (DM16 et DM17), qui résultent du dépôt de moraines latérales portées par le glacier et abandonnées par lui au début du cataglaciaire, nous montrent que l'altitude du glacier, à ce moment très proche du pléniglaciaire, était ici de l'ordre de 1680 m soit une vingtaine de mètres sous le sommet de La Peyrouse (1710 mètres), qui dépassait donc très légèrement de la surface glaciaire. C'était un « chicot ».

L'horizontalité, sur 650 m, de l'arête nord-est de La Peyrouse, visible sur le fragment de carte ci-dessous prouve que ce sommet a été créé par arasement ; il montre de plus que le responsable de cet arasement était un glacier dont, au nord de La Peyrouse, l'altitude de surface était voisine de 1650 m.

Reportées sur le graphique de l'altitude de la surface glaciaire au pléniglaciaire du Mindel entre le col Bayard et Grenoble, ces caractéristiques montrent qu'il s'agissait là du glacier mindellien du Drac dans les environs de La Mure. Le Sénépy et La Peyrouse sont donc tous deux des « sommets arasés au pléniglaciaire », encore appelés parfois ailleurs dans notre site « sommets jardins ».

Le sommet de La Peyrouse en Isère

Quant au sommet d'épaulement de l'arête nord du Sénépy (DM14), à 1760 m d'altitude, étant donnée l'absence ou la quasi-absence d'eaux de fonte à cette époque et à cette altitude, il s'agit également d'un épaulement supérieur, formé par l'érosion conjointe par Gélifraction et Transport par un glacier ou érosion GT.

Autres exemples de sommets arasés au pléniglaciaire

Nous citerons encore les quatre sommets de la rive gauche de la cluse de Voreppe, étudiés à la page sur la façade nord du Vercors (Isère) : Charande (1709 m), la Sure (1643 m), la Buffe (1600 m) et le Bec de l'Orient (1558 m). Le même raisonnement que ci-dessus, basé sur les altitudes et les pentes du glacier mindellien de l'Isère permettent de montrer que le glacier responsable de leur arasement était ce glacier dans sa descente de la cluse de Voreppe.

La façade nord du Vercors

La façade nord du Vercors
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Les 13 sommets de la région de Gigors et Lozeron

Enfin l'exemple le plus frappant est celui d'un ensemble de 13 sommets, situés dans la façade sud ouest du Vercors dans la région de Gigors et Lozeron (Drôme), dont l'altitude résulte de façonnements créés lors du pléniglaciaire. Ce sont :

      • la Montagne de Bouchère (1284m),

      • Côte Blanche (1136 m),

      • la Montagne du Vellan (1068 m),

      • Pinsaye (1007m),

      • Rousset (966 m),

      • Péomé (939 m),

      • Gerbaud (962 m),

      • Serre Château (952 m),

      • Brunessart (944 m),

      • Vautour (942 m),

      • le sommet 952 sur Gambetta (952 m),

      • la Montagne de Lozeron (927 m)

      • ainsi que Le Rocher de St Supiére (900 m).

Ces 13 sommets culminent tous très sensiblement à l'altitude de la surface glaciaire au pléniglaciaire du Mindel à l'emplacement où ils se situent. Nous pensons donc que c'est là un exemple particulièrement démonstrateur d'action d'une érosion conjointepar Gélifraction et Transport par le glacier (ou érosion GT)

Si l'on reporte tous ces sommets sur une carte, on constate qu'ils se situent sur une surface inclinée grossièrement du nord vers le sud. Les sites témoins de notre étude (Flux G et H) montrent qu'il s'agit de la surface du glacier qui, au Mindel, descendait des crêtes sud du Royannais vers le talweg de la Drôme. Nous pensons donc qu'il s'agit là d'un ensemble de sommets arasés au pléniglaciaire.

Dans ce cas, la succession des phases de création du relief nous paraît, dans ses grandes lignes, avoir été la suivante :

    1. Avant le début de la glaciation du Mindel, existait ici un relief hérité des âges précédents, comportant des vallées et des sommets, dont les altitudes nous sont inconnues. L'examen de la carte géologique révèle à cet endroit la présence de terrains, essentiellement des calcaires urgoniens, affectés par de nombreuses failles, donc à la surface sans doute quelque peu mouvementée.

    2. Survient la glaciation du Mindel, durant laquelle un glacier recouvrait complètement cette région, comme nous le montre la présence de nombreux sites témoins ; nous pensons que certains sommets, dépassant de la surface glaciaire, émergeaient à l'air libre au début du pléniglaciaire.

    3. La gélifraction s'est attaquée alors à toutes les parties du relief émergées ; les produits de cette érosion étaient emportés par le glacier, cependant que les parties du relief situées sous la surface glaciaire, protégées par la glace des variations brutales de température, n'étaient pas soumises à la gélifraction.

    4. Par la suite, au cours du cataglaciaire Mindel - Riss, puis des glaciations suivantes, diverses érosions ont fini d'élaborer le paysage que nous avons sous les yeux.

À première vue, ces sommets semblent être disposés « au petit bonheur la chance ». Il n'en est toutefois rien.

Série de sommets coniques dans le secteur du Serre du Sec (Vercors, Isère)

Sur la carte suivante, nous avons joints par des segments de droite tous les sommets dont les cotes figurent sur la carte IGN au 1/25 000. Nous avons obtenu le tracé suivant, sur lequel on remarque que les sommets se regroupent, d'une part sur trois segments A1, A2 et A3 orientés selon un azimut d'une vingtaine de degrés et également sur quatre segments B1, B2, B3 et B4 orientés sensiblement selon un azimut de 70 à 80°.

Série de sommets coniques dans le secteur du Serre du Sec (Vercors, Isère)

Ces directions sont sensiblement celles des deux familles de failles représentées sur la carte géologique au 1/50 000, ce qui montre importance du rôle joué par la tectonique dans la situation des sommets.

 

Dernier exemple de sommet arasé au pléniglaciaire, le Pieu ou Brémont

L'altitude de 1250 m de ce sommet, situé au-dessus de Vif, en Isère, indique qu'il a été arasé au pléniglaciaire du Würm, car c'était là l'altitude de surface du glacier würmien à cet endroit au pléniglaciaire de cette glaciation.

L'arête sud du Pieu présente un épaulement, celui des Rochers de Belledent, dont le sommet cote 1080 m environ. Cet épaulement des Rochers de Belledent a été créé par les eaux glaciaires latérales, non au pléniglaciaire, époque où il n'existait pas d'eaux de fonte à un débit suffisant pour créer un épaulement d'une taille aussi grande, mais peu après, lorsque la surface du glacier était encore voisine de 1250 m.

Or, la différence de niveau entre cet épaulement et le sommet à 1250 m est d'environ 170 m, valeur très proche de celle de 150 m indiquée dans notre page sur la surface d'écoulement intraglaciaire, ce qui permet sa vérification.

Le Pieu (ou le Bémont) au-dessus de Vif (Isère)

Le Pieu (ou le Bémont) au-dessus de Vif (Isère)
 

Autres formes glaciaires caractéristiques

Sans être exhaustifs, citons entre autres :

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Mise à jour le Lundi, 08 Janvier 2018 15:13