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Textes, croquis et photos (sauf mention contraire) Claude Beaudevin (1928 - 2021) Présentation et mise en page Bruno Pisano 

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Les sites élevés du Grésivaudan PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Claude Beaudevin   
Lundi, 17 Octobre 2011 12:15
Version 107

La rive gauche de la vallée de l'Isère, entre Pontcharra et Grenoble, présente un certain nombre de sites caractéristiques quelque peu étonnants. Du nord au sud, on rencontre ainsi toute une série d'épaulements :

  • celui de l'arête ouest du Cul de Pet (I17),

  • celui du Rocher de Monteynard (I16),

  • celui des Plagnes (I15),

  • la Butte de Pipay (I12),

  • enfin, plus au sud, celui où se situe le refuge du Molard (I22), hors croquis.

 

Tous se situent dans le département de l'Isère.

Les sites élevés du Merdaret en Isère

Le croquis suivant montre la situation des 4 premiers, proches du col du Merdaret.

Voici leurs caractéristiques, telles qu'elles figurent dans le tableau des sites de l'Isère (repérés I) :

Légende du tableau

 

Rep

Site

Alt (m)

Alt glac (m)

Type

Distance

au vallum
(km)

Carte TOP25

Carte géol

Coordonnées WGS84

I12

Butte de Pipay

1770

1820

SE

62

3433OT

Doméne

32T 266690 5016900

I15

Les Plagnes

1830

1880

SE

62,5

3433OT

Doméne

32T 267100 5017500

I16

Rocher Monteynard

1814

1860

SE

63

3433OT

Doméne

32T 267000 5018700

I17

Le Cul de Pet

1837

1890

SE

64

3433OT

Doméne

32T 267800 5019900

I22

Refuge du Molard

1780

1830

SE

53

3335OT

Doméne

31T 730772 5008237

Ces sites ont donc en commun le fait d'être des sommets d'épaulements. On ne peut manquer d'être frappé par les altitudes particuliérement élevées que présentent ces formes très nettes, toutes perpendiculaires à l'axe de la vallée de l'Isère, ainsi que par le "tir groupé" sur le graphique suivant, où ils sont figurés en vert :

Altitude de surface des glaciers de la vallée de l'Isère

Graphique des sites témoins de l'Isère
 
La butte de Pipay

Voici par exemple l'épaulement de la Butte de Pipay, presque horizontal à 1740 m (sommet à 1770 m).

Dans l'axe de l'épaulement, on distingue Chamechaude et, plus à droite, la Dent de Crolles, deux sommets du massif de la Chartreuse.

Les caractéristiques de ces sites conduisent à envisager le passage, dans le Grésivaudan, d'un glacier de vallée, dont la surface atteignait 1850 à 1900 m, soit 400 m environ plus haut que le Riss. À quelle glaciation pouvait appartenir ce glacier - hypothétique - qui a modelé des formes si caractéristiques des actions glaciaires ? Au Mindel ? au Günz ? au Donau ?

Contrairement aux formes mineures du relief glaciaire et aux dépôts, plus sensibles aux érosions interglaciaires, les épaulements sont en effet des éléments de relief pérennes, au même titre que les vallées, dont ils constituent un élément indissociable. Dans l'ignorance où nous sommes, nous nous contenterons de la nommer "glaciation ancienne".

Adoptons cette hypothèse selon laquelle les épaulements ont été formés par un glacier plus ancien et plus élevé que le Riss. Jusqu'où donc cet "appareil ancien" se serait-il étendu dans ses plaines de piémont ?

On sait que le Riss a déposé son vallum terminal près de Beaurepaire (consulter à ce sujet la page sur la basse vallée de l'Isère). Qu'en était-il donc du "glacier ancien" ? Supposons tout d'abord qu'il se soit avancé jusqu'à la rive gauche du Rhône, à l'altitude 180 m, soit 25 kilomètres plus loin que l'appareil rissien. Compte tenu d'un effet de lobe vraisemblable, le calcul conduit à une altitude du glacier ancien au col du Merdaret, certes supérieure à celle de son homologue rissien (1510 m), mais très inférieure à la valeur de 1850 / 1900 m indiquée par les six épaulements très élevés.

Il pourrait donc sembler évident que le glacier ancien, non seulement atteignait le Rhône, mais encore s'élevait assez haut sur sa rive droite. En lui-même, le fait n'a rien d'étonnant, c'est exactement ce qui s'est passé avec le glacier rissien du Rhône un peu plus au nord, dans les environs d'Oullins. De plus, un argument plaide en faveur d'un glacier très vigoureux dans sa plaine de piémont, c'est l'existence de la Bièvre Valloire, cette large vallée qui abrite la Côte Saint André et Beaurepaire. Le fait que cette vallée conserve sa forme en auge très régulière jusqu'au Rhône montre bien qu'elle n'était pas occupée seulement par un lobe terminal, mais par un glacier de dimensions importantes.

La Bièvre-Valloire

La carte montre alors clairement que ce glacier ne se contentait pas de parvenir jusqu'à la rive gauche du Rhône mais s'appuyait largement sur sa rive droite.

On consultera à ce sujet la page sur l'origine de la Bièvre Valloire.

Loin des rives du Rhône, il en était de même dans un cas qui présente une convergence de formes particulièrement remarquable avec celui de la Bièvre Valloire, la vallée du James, aux USA, qui, elle, vient buter sur le Missouri. Voici deux images satellites de cette vallée du James, au South Dakota (USA).

la vallée du James, au South Dakota (USA)

Pendant les glaciations, cette vallée était parcourue par un émissaire de la calotte nord-américaine, remplacé actuellement par la rivière James, affluent du Missouri qui coule en bas des images.

On sera particulièrement frappé par la grande régularité de l'auge glaciaire, d'une largeur sensiblement constante du Nord (le haut de l'image) au Sud. Cette régularité nous semble comparable à celle de la Bièvre Valloire, mais à une échelle tout à fait différente ! La largeur de la vallée américaine, en effet, est d'une centaine de kilomètres, alors que du Nord au Sud de l'image, elle s'étend sur plus de 300 km.

Ses dimensions sont sensiblement celles qui séparent Grenoble de Susa (Italie), et Nice de Genève. C'est-à-dire que cette vallée permettrait d'abriter à peu près toutes les Alpes françaises !

la vallée du James, au South Dakota (USA)

Mais il faut tenir compte d'un autre facteur : il ne faut pas négliger en effet la possibilité que des mouvements orogéniques se soient produits,dans la chaîne de Belledonne, depuis cette époque très ancienne et que les épaulements aient été formés à des altitudes plus faibles que leur positionnement actuel. On chiffre actuellement le soulèvement du massif de Belledonne à environ 1 mm par an. Bien que cette valeur ne soit qu'une estimation de la vitesse instantanée actuelle et que rien ne permette pour l'instant de connaître sa valeur dans le passé, l'imprécision introduite par les mouvements orogéniques rend peu précises les valeurs d'altitude pour des glaciations antérieures au Riss (1 mm par an représente 100 m par 100 000 ans ou encore 1 km par million d'années !).

Il nous semble probable que les deux facteurs ont joué, c'est-à-dire que, d'une part, le glacier ancien était plus vigoureux que le glacier rissien et parvenait largement jusqu'au Rhône et que, d'autre part, les altitudes du massif étaient alors inférieures à leurs valeurs actuelles. Dans quelle mesure relative jouent ces deux facteurs, il est évidemment difficile de le savoir.

 
Version 135 du 17 octobre 2011

Quelques années après la création de cette page, ses conclusions restent valables.

Nous savons maintenant que ces sites caractéristiques « très élevés » du Grésivaudan appartiennent à la glaciation du Mindel. Bien entendu, il faut tenir compte de la possibilité de mouvements orogéniques et isostasiques.


Mise à jour le Vendredi, 16 Mars 2018 18:44